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et quelques esprits sont portés à croire qu’en appliquant à la confection des petits fagots tous les travailleurs de bonne volonté, on arriverait à supprimer la misère. C’est concevoir beaucoup d’espoir, mais il est certain que l’idée de M. le pasteur Robin a rendu de très grands services. Je ne parlerai pas de Marseille où, sous l’impulsion d’un philanthrope qui est en même temps un homme d’affaires éminent, M. Rostand, l’assistance par le travail a pris les proportions d’une entreprise véritable, achetant des bois en gros dans les Rasses-Alpes, les faisant débiter et transformer en margotins par des mendians transformés en travailleurs, et les vendant ensuite en Algérie, surtout parmi la population indigène. Mais à Paris même, plusieurs œuvres se sont formées sur le même principe. Je citerai en particulier la société d’assistance de Batignolles-Monceaux qui ouvre ses ateliers de la rue Salneuve aux indigens, hommes ou femmes, qui se présentent pour demander du travail, à la condition qu’ils soient domiciliés dans l’arrondissement ou porteurs de bons de travail que l’œuvre délivre à ceux qui les lui demandent. Chacun de ces bons donne, à celui qui en est porteur, un droit à trois heures de travail qui lui seront payées 0 fr. 25 l’heure. Les hommes sont employés à la confection des margotins, ou d’allume-feu en bois résiné, les femmes à la confection de sacs en papier. La société de Batignolles-Monceaux distribue également aux ouvrières sans travail de l’arrondissement des travaux de couture à faire à domicile. La vente du produit du travail des hommes et de celui des femmes s’est élevée à 13 000 francs. Les dépenses générales de l’œuvre ont atteint 41 000 francs. L’écart, considérable comme on voit, car l’œuvre s’impose beaucoup de dépenses qui ont un caractère de pure charité (ainsi la distribution de soupes gratuites) a été couvert par des subventions ou des donations.

Le système des bons de travail mis à la disposition des souscripteurs de l’œuvre pour être donnés aux mendians est encore employé par l’Union d’assistance du XVIe arrondissement. Cette société s’est formée entre les habitans de Passy pour exclure de l’arrondissement la mendicité professionnelle qui y avait pris des habitudes encombrantes, et en même temps pour procurer du travail aux indigens dignes d’intérêt. Elle présente, comme au reste la société d’assistance de Batignolles-Monceaux, un intéressant spécimen de groupement et d’entente entre les habitans d’un même arrondissement pour arriver au meilleur exercice de la charité. Il serait à désirer que cet exemple fût suivi dans les autres arrondissemens, et, si tous ces groupes d’assistance étaient reliés par l’intermédiaire de l’Office central, comme le sont les comités de district à Londres, un grand pas serait fait. L’Union d’assistance du XVIe arrondissement