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peut-être par l’exemple de M. Beernaert et par les réformes démocratiques qui se poursuivaient en Belgique, M. Tak a voulu remanier la loi électorale de son pays, et étendre le droit de vote à un plus grand nombre d’électeurs. Cette tentative, d’ailleurs généreuse, ne lui a pas mieux réussi qu’à son collègue belge.

D’après la constitution de 1848, la qualité d’électeurs n’était accordée, en Hollande, qu’aux régnicoles âgés de plus de 23 ans et payant un cens de 20 à 160 florins. Dans la pratique, le cens était, suivant les provinces, de 40 florins ou 84 francs au maximum, et de 20 florins ou 42 francs au minimum. En 1887, la constitution a été revisée. D’après l’article 80, la deuxième Chambre devait être élue par les régnicoles majeurs qui possédaient les conditions d’aptitude et de bien-être social déterminées par la loi électorale. Ce sont les termes mêmes de l’article. Ils annonçaient une loi électorale qui restait à faire sur des indications, comme on le voit, assez vagues. Devaient être exclus du droit de vote ceux qui ne paieraient pas le chiffre de contributions directes qui serait ultérieurement fixé, et ceux qui, dans l’année précédente, auraient obtenu des secours d’une institution charitable quelconque. La loi électorale annoncée n’a commencé à être élaborée qu’en 1891, lorsque la gauche est arrivée au pouvoir avec M. Tak, ministre de l’intérieur. Pendant les années intermédiaires et jusqu’à maintenant on a vécu dans un état provisoire assez peu défini : en fait, le cens électoral a été abaissé de moitié. Un premier projet de loi, déposé par M. Tak, a fait naître un si grand nombre d’amendemens que le ministère lui en a bientôt substitué un autre. Les articles 3 et 4 mettaient au droit électoral les conditions suivantes : pourvoir à son entretien et à celui de sa famille, n’avoir pas changé de domicile depuis trois mois ou n’en avoir changé qu’une fois depuis un an, ne pas avoir depuis un an reçu de secours d’une commune ou d’une association de bienfaisance, avoir payé sa quote-part de contributions directes, enfin savoir lire et écrire et le prouver en écrivant et en signant sa demande d’inscription comme électeur.

Ce nouveau projet n’a pas tardé à faire surgir autant d’objections que le premier. Le grand défaut qu’on lui a aussitôt trouvé est que quiconque n’avait pas obtenu de secours et n’avait pas changé de domicile depuis trois mois, jouissait, par hypothèse, du bien-être social que l’article 80 de la constitution avait en vue. En conséquence, les régnicoles se trouvaient divisés en deux catégories : ceux qui étaient officiellement considérés comme secourus et ceux qui ne l’étaient pas, et de ce seul fait le projet de loi concluait que ces derniers étaient à même de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, présomption des plus contestables. D’autre part, le droit de suffrage risquait d’être étendu, par là, à un beaucoup plus grand nombre de personnes que les fractions moyennes de la Chambre ne l’avaient voulu. La lutte