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une intrigue de jupes, où Mme de Verneuil, la maîtresse de Henri IV, soutint les Concini, Mme de Richelieu fut évincée.

En habile homme, Concini avait deviné cette fortune et s’y était attaché. Celui-ci était de bonne souche. Ses ancêtres avaient joué un rôle dans les luttes politiques de Florence. Son père avait été ministre de Côme de Médicis. Cependant il était pauvre et il n’avait, quand il vint en France, que la cape et l’épée. C’était un bel homme, un bel Italien, le teint brun, le visage pâle, la moustache noire, la taille grande, droite, le corps bien proportionné, l’œil de velours et l’air souvent mélancolique. Galant et brave, vaniteux et violent, ambitieux d’argent et d’honneurs, grand joueur et généreux, il était de la race de ces aventuriers qui, à partir du XVIe siècle, s’étaient répandus sur l’Europe et avaient mis au service des monarchies, encore à demi barbares, la souplesse et la pénétration du génie péninsulaire. Sa jeunesse avait été déplorable : « Si vous ne m’aviez connu dans ma bassesse, disait-il lui-même à Bassompierre, je tacherais de vous la déguiser. Mais vous m’avez vu à Florence, débauché et dissolu, quelquefois en prison, quelquefois banni, le plus souvent sans argent et incessamment dans le désordre et la mauvaise vie. Je suis né gentilhomme et de bons parens, mais quand je suis venu en France, je n’avais pas un sol vaillant et devais plus de huit mille écus. » À bout de ressources, traqué par le besoin et par l’ambition, il jeta les yeux sur Léonora. Celle-ci était trop intelligente pour se faire illusion sur les motifs qui le portaient à demander sa main. Mais elle ne pouvait échapper au désir commun à toutes les femmes : malgré l’opposition de la reine, elle épousa ce décavé. Marie de Médicis obtint elle-même de Henri IV, qui avait probablement quelque folio à se faire pardonner, la promesse d’une somme de 70 000 livres tournois qui devait leur être versée à l’occasion de leur mariage. Ce fut le premier bénéfice de l’association de convoitises et d’intrigues qui venait d’être conclue à la cour de France par ces deux étrangers.

À dater du jour du mariage, la vie devint plus pénible encore dans le ménage royal. Marie de Médicis, lasse de tout, ne se séparait plus de ses confidens : « Elle avoit certaines paillasses à terre, où elle se couchoit, l’été, durant les chaleurs des après-dînées, avec des habits légers et beaux, et étant ainsi étendue, appuyée sur le coude, montrant ses bras et sa gorge, elle avait des complaignans de cette beauté admirable et admirée de tout le monde, méprisée et délaissée pour les laides et mal faites. » Concini était parmi ces assidus. Henri IV, à son tour, montra de la jalousie. La présence constante de ce bellâtre l’exaspérait. Il