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musiciens, mais aussi par des écrits. Le premier nom qui s’impose est celui de Hans de Bülow. Et s’il s’était agi ici de dresser une liste qui se fût appuyée sur la valeur intrinsèque de chacun, ou même seulement sur les services rendus à la cause wagnérienne autrement que par les écrits, il eût probablement fallu citer Hans de Bülow aussitôt après Liszt. Mais j’ai dit que j’avais avant tout en vue l’action exercée par la littérature, et Hans de Bülow, s’il a écrit en son temps d’assez nombreux articles, n’est guère sorti du domaine des articles de polémique courante, où il fit œuvre de bon combat, mais qui ne pouvaient avoir qu’une valeur assez passagère. Il reste de lui cependant une brochure, et vraiment remarquable : c’est une étude, parue en 1860, sur la Faust-Ouverture de Wagner, et dont il faut recommander la lecture à quiconque a souci de largeur et de précision à la fois dans l’exégèse musicale.

Parmi les musiciens très connus qui ont été aussi pendant un certain temps des littérateurs au service de la cause wagnérienne, il faut encore nommer Raff, Klindworth, Alexandre Ritter, Drœsecke, et surtout Peter Cornélius, l’aimable compositeur dont on n’a guère commencé que tout récemment à apprécier le talent. On lui attribue la première biographie de Wagner, parue sans nom d’auteur en 1855 dans la collection Neumann : Les Compositeurs modernes.

Tout ce mouvement de lutte et de propagande pour les œuvres de Wagner ne pouvait se perpétuer longtemps sous la même forme, et déjà parmi tous les hommes que je viens d’énumérer, il n’y a plus guère que Franz Müller et M. Richard Pohl dont l’activité littéraire n’ait pas cessé de s’exercer de 1862 à 1872. Tous, à l’exception d’Uhlig, étaient devenus wagnériens sous l’influence directe et personnelle de Liszt. Mais maintenant Liszt, le promoteur du mouvement, l’âme du groupe, avait quitté Weimar pour Rome, et son éloignement du théâtre de la lutte dont il était le premier champion devait forcément amener comme une sorte d’arrêt dans cette lutte. Franz Brendel était mort en 1868, et sa revue musicale, le rendez-vous de toutes les bonnes volontés wagnériennes, était alors livrée à une nouvelle direction, moins convaincue et moins habile. Wagner lui-même achevait à peine de traverser une des crises les plus douloureuses de sa vie, et ainsi le groupe se désorganisa et ne se reforma plus.

D’ailleurs peu à peu la situation de Wagner et ses projets subissaient eux-mêmes une transformation. En 1864, le roi Louis II était entré dans sa vie, et l’on sait que tout ce que put réaliser Wagner dans les vingt années qui suivirent, c’est à