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A partir de Louis XIV, on sacrifia plus largement aux exigences de l’ornementation. Bien des détails rustiques ne choquaient pas encore, mais déjà les cités recherchaient l’air et l’espace et un certain ordre à défaut de luxe : Lyon avait sa place Bellecour, Angers son Pré-des-Allemands, Moulins ses Champs-Bonnet, comme Paris sa place Royale. Echevins, « jurés » ou « pairs » municipaux osaient parfois démolir pour créer un dégagement utile, élargir une rue, donner à leurs concitoyens l’aisance des coudes.

L’immeuble de province, qui vaut au XVIIe siècle 4200 francs en moyenne, ressemble plus par conséquent à celui du XVIIIe, qui vaut 5100 francs, qu’à celui du XVIe, qui ne valait que 1 600 francs. Il ne faut pas oublier du reste que les 1600 francs de 1501 à 1600 représentent en monnaie actuelle 5 600 francs et que les 4 200 francs de 1601 à 1700 ne correspondent, dans notre monnaie, qu’à 10 500 francs. L’écart est moindre qu’il ne paraît intrinsèquement.

Les maisons ordinaires se vendaient à Nîmes au dernier siècle de 266 francs à 3 300 francs, prix payé par un avocat. Dans cette dernière ville, la fameuse « Maison carrée », aujourd’hui l’orgueil des Nîmois, l’une des curiosités locales, morceau d’architecture unique peut-être sur notre sol, n’était payée en 1670, par les Pères Augustins, avec ses jardins et ses cours, que 9 200 francs, soit 18 400 francs en monnaie actuelle. L’hôtel d’un président au Parlement, à Dijon, coûte 16200 francs ; la maison la plus chère vaut 24 000 francs à Nantes, le même prix à Clermont-Ferrand, 35 000 francs à la Rochelle ou à Lille dans la rue Royale, et 90 000 francs à Lyon, dans la grande rue Mercière. Mais ce sont là des immeubles exceptionnels. A Limoges l’habitation d’un médecin ne se paie que 5 000 francs, et celle d’un imprimeur que 210 francs. Le bâtiment servant de halle aux tanneurs à Troyes est vendu 2 650 francs ; celui dont un plâtrier de Soissons faisait son logis et son magasin valait 2 200 francs, et l’on avait encore au Havre pignon sur rue, en 1788, moyennant un déboursé de 570 francs.

Comme nous venons de le dire, le loyer moyen, en province, avait été de 220 francs au XVIIe siècle ; il fut seulement de 260 francs au XVIIIe. Les maisons de Bordeaux, en 1676, se louaient, suivant les quartiers, de 122 francs à 775 francs. Le duc de Créqui, gouverneur du Dauphiné, payait son hôtel à Grenoble 1 040 francs ; le comte de Tressan, gouverneur de Boulogne-sur-Mer, ne payait le sien que 380 francs ; c’est à peu près ce que coûte à la ville de Châteaudun la location de l’immeuble qui lui sert de collège ; un