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Bénoué. Mais il avait compté sans l’esprit d’entreprise des Anglais. Ceux-ci, maîtres des embouchures du Niger, dont le cours inférieur était exempt d’obstacles naturels, s’empressèrent de se servir de cette magnifique voie fluviale pour étendre leur influence sur les pays situés le long de son cours et de ses affluons. Des compagnies anglaises rivales se disputaient le commerce de ces régions. Toutes fusionnèrent, et la National African Company, qui les absorba, finit par régner sans conteste sur le moyen Niger et sur la Bénoué. En 1886, une charte royale lui fut octroyée et lui conféra une vraie royauté, en l’autorisant à lever des troupes, à battre monnaie, à faire des lois, avec l’assentiment du sous-secrétaire d’Etat. Elle prit alors le nom de Royal Niger Company ; lord Aberdare en devint le président. Elle posséda cent cinquante factoreries, et ses bateaux remontèrent le Niger jusqu’aux rapides de Boussa, à 736 kilomètres de la mer, et la Bénoué jusqu’à Yola, sur un parcours de 720 kilomètres.

Devant de tels progrès accomplis en quelques mois et le déploiement d’une activité pareille, l’Allemagne comprit que tout espoir de s’étendre vers le Niger et la Bénoué devait être abandonné par la colonie du Cameroun. Elle craignit même que cette colonie ne fût enveloppée de tous côtés et réduite à une étroite bande de littoral.

Bien n’était plus facile en effet à la Compagnie du Niger, qui avait pris une position dominante sur la Bénoué, que de descendre vers le sud, de conclure des traités avec le sultan de l’Adamaoua et de fonder des établissemens dans le pays situé en arrière de la côte du Cameroun. Sous l’empire de ces appréhensions, le cabinet de Berlin demanda de lui-même la prolongation de la ligne de démarcation du Vieux-Calabar. L’Angleterre ayant bien voulu y consentir, il fut convenu par le protocole du 2 août 1886 que cette ligne serait prolongée en droite ligne vers Yola, à l’orient et tout près de cette ville, en un point qu’un examen ultérieur ferait reconnaître comme se prêtant pratiquement à la détermination d’une frontière.

Au cours de ces laborieuses négociations avec l’Angleterre, le gouvernement allemand avait engagé des pourparlers avec la France afin de régler d’une manière générale la situation respective de tous les établissemens français et allemands à la côte occidentale d’Afrique. En 1884, le docteur Nachtigal avait arboré le pavillon allemand non seulement sur le littoral de Cameroun, mais encore sur tous les points de la côte atlantique africaine qui n’étaient pas occupés d’une manière effective par une puissance européenne. C’est ainsi que des prises de possession avaient eu