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diplomatiquement à notre sphère d’influence dans ces régions. Le Wadaï, le Kanem, le Baghirmi, que le dernier traité anglo-allemand avait reconnus à l’Allemagne, sont abandonnés par cette puissance à la France ; celle-ci se voit mise par ce fait en possession de la plus grande partie du Tchad, d’une partie des rives occidentales jusqu’à Barroua et de toute la rive orientale. A l’exception d’une minime section de la rive gauche de son cours inférieur, le Chari devient un fleuve français. A l’est du Tchad, le Tibesti et le Sahara oriental entrent dans la sphère probable de l’influence française. Le rêve des africanistes français est enfin devenu une réalité ; l’Algérie et le Sénégal se réunissent au Congo français et ne vont plus former qu’un tout. D’Alger à Brazzaville, il n’y aura plus qu’une ligne ininterrompue de possessions françaises.

Ainsi se trouvent récompensés les efforts de nos explorateurs soutenus et encouragés par le gouvernement et les particuliers. Nous avons donné, dans cette occurrence, le spectacle d’une nation qui a une politique coloniale arrêtée et qui marche imperturbablement vers le but qu’elle veut. Ni les crises politiques, ni les changemens ministériels, ni de tristes scandales qu’il est inutile de rappeler ici n’ont pu amener le moindre changement dans la ligne de conduite primitivement adoptée. C’est à cette ténacité que nous devons le magnifique lot qui nous est échu dans le partage de l’Afrique centrale. Il faut dire aussi que nous avons été merveilleusement servis par le peu de succès des explorations allemandes qui ont mis le gouvernement allemand en mauvaise posture pour obtenir de plus grandes concessions dans l’Afrique centrale. L’Allemagne a dû reconnaître d’une manière presque officieuse l’infériorité de situation dans laquelle elle se trouvait. Dans une réunion de personnages du monde colonial tenue à la fin de février au ministère des Affaires étrangères sur l’invitation même du département colonial, le représentant même du gouvernement avouait en toute sincérité qu’à l’appui de ses prétentions territoriales dans l’Afrique centrale, l’Allemagne ne pouvait invoquer, indépendamment des traités de Flegel, que les résultats obtenus par les missions du docteur Zintgraff et de Morgen et que les résultats éventuels de l’expédition alors en cours de von Uchtritz. Quant au dernier voyage de Stetten sur lequel on avait fondé de si grandes espérances, il n’avait abouti, ajoutait-il, à aucun avantage sérieux et il ne fallait pas songer à s’en servir comme d’un titre juridique contre les prétentions françaises. Et la réunion à l’unanimité moins trois voix a approuvé cette manière de voir.

Il y a lieu d’applaudir à cette franchise. Mais nous serions