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an X, à l’ancien Gouvernement. Alors, comme aujourd’hui, elle était indispensable. On en a fréquemment abusé, mais la sagesse du roi vous répond qu’il n’en usera que pour l’avantage du commerce et de ses peuples. »

Il faut convenir que la justification manque d’ampleur et de précision. Lors de la discussion, les orateurs qui ont défendu le titre V de la loi ne lui en ont pas donné davantage ; tandis que les adversaires de cette disposition du projet ont été à la fois nombreux et éloquens et ont produit de solides argumens à l’appui de leur thèse.

M. Le Hir, en demandant la suppression pure et simple de l’article 34, s’exprimait ainsi : « . La loi du 22 août 1791 ne laissait rien à l’arbitraire et à la versatilité. Ce n’est qu’en floréal an X, quand Napoléon aspirait à l’empire, jaloux d’agrandir son pouvoir et de tout soumettre à ses volontés, qu’il a réclamé, pour ses spéculations d’agiotage, cette faculté destructive de la liberté, de la sécurité de tout commerce, et quels abus n’en est-il pas résulté ? Ils ont été tels qu’il a été obligé d’évoquer à lui seul l’exercice de ce redoutable pouvoir et de l’interdire à ses ministres ! »

Mais, sans nous arrêter à l’intervention des autres orateurs, tels que M. Amyrauld, qui voulait que tout au moins on limitât l’application de l’article 34 au cas de guerre, et de M. Flauguergues, dont les protestations avaient surtout pour objet l’inconstitutionnalité de la proposition, arrivons au discours si complet et si probant de M. Gallois, discours dont la Chambre fut à ce point frappée qu’elle en vota l’impression.

M. Gallois demande la suppression de l’article 34 comme inconstitutionnel et comme subversif des transactions commerciales auxquelles il se rattache : comme inconstitutionnel parce qu’il autorise l’établissement et la perception d’impôts non consentis par les deux Chambres et sanctionnés par le roi. Les douanes tout entières et sans aucune distinction d’objets sont appelées contributions indirectes, et, comme telles, elles ne peuvent dériver que de la puissance législative. C’est aux représentans de la nation à bien connaître, à bien calculer la nature de ces charges avant qu’elles soient établies ; c’est à eux seuls à décider si elles sont justes, nécessaires, égales, certaines ; si elles sont déterminées par le véritable intérêt général, ou si elles ne sont sollicitées que par un intérêt particulier ; si les formes de perception en seront aussi commodes pour le contribuable et aussi peu dispendieuses pour l’Etat qu’elles doivent et peuvent l’être. C’est à eux seuls à empêcher que de fausses vues de politique, de fausses idées d’intérêt commercial ou manufacturier ne viennent introduire dans la législation une mobilité dont le résultat serait le désordre dans les