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de la Nuova Antologia, il y en a bien dix-huit qui sont de pur remplissage. L’auteur recherche dans l’œuvre de Dante tous les passages qui, de près ou de loin, se rapportent au sentiment de la famille. Il énumère longuement les raisons de convenance qui, sans doute, auront empêché Dante de faire figurer sa mère parmi les personnages de la Divine Comédie. Il raconte, d’après Boccace, et en s’attardant à la démentir, l’histoire du songe qu’aurait eu la mère du poète avant sa naissance. Il nous offre ainsi tour à tour toute une série de petites dissertations de collège, sans même se donner la peine de les rattacher l’une à l’autre. Mais il ne nous apprend rien, en fin de compte, sur la mère de Dante, sinon qu’elle doit décidément avoir été la première et non la seconde femme de son mari. On sait en effet qu’Alighieri s’est marié deux fois : avec la Bella, qui fut la mère de Dante, et avec une certaine Lappa di Chiarissimo, qui lui donna d’autres enfans, et notamment un fils appelé François. Mais on n’était pas d’accord, jusqu’ici, sur l’ordre chronologique de ces deux mariages : et M. Scherillo a confirmé par des preuves nouvelles l’hypothèse de Passerini, qui considérait la Bella comme la première femme d’Alighieri. Lappa, la seconde femme, vivait encore en 1332, à en juger du moins par un acte officiel où elle est nommée sans qu’il y soit fait aucune mention de sa mort. La mère du poète, suivant toute vraisemblance, est morte fort peu de temps après la naissance de son fils. Pour le reste on ne sait rien d’elle, ni son âge, ni sa famille, ni sa condition. Dix lignes nous en diraient tout autant sur son compte que les vingt pages compactes de M. Scherillo.

L’étude du vieux poète Josué Carducci sur le Torrismondo du Tasse est plus instructive et d’une composition plus habile ; mais ce n’est encore qu’une dissertation, et sur un sujet qui ne méritait guère d’être remis en mémoire. La longue et minutieuse analyse qu’a faite M. Carducci de la tragédie du Tasse suffirait à justifier l’oubli où elle est tombée. M. Carducci lui-même reconnaît d’ailleurs que l’auteur de la Jérusalem délivrée n’a rien écrit de plus mauvais : « Le Tasse, dit-il, a tenté dans sa tragédie de concilier l’esprit grec et l’esprit barbare, l’esprit païen et l’esprit chrétien, l’esprit classique et l’esprit romantique. Il a voulu soumettre une légende du moyen âge aux règles du drame antique, réunir dans une même œuvre la simplicité de Sophocle, le pathétique d’Euripide, la verve et la rhétorique de Sénèque, sans renoncer pour cela à la faconde facile et ornée des romans. Hélas ! c’était une autre entreprise que celle de la Jérusalem délivrée, et tentée dans d’autres conditions ! L’épopée romanesque était un genre populaire et glorieux, et le Tasse, en l’abordant, était dans la fleur de la jeunesse. Tout au contraire pour la tragédie ! La tragédie en Italie n’était qu’un genre savant, scolastique, végétant à