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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/124

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Mauvaises-Paroles, qu’il avait fait aménager pendant son absence pour une installation définitive.

C’est de là que, à peine arrivé, il adresse à la reine mère une lettre où, pour qui sait lire entre les lignes, apparaissent les divers sentimens qui l’agitent. Sûr, déjà d’une sorte d’intimité, sachant qu’on apprécie et qu’on recherche ses conseils, il se plaît à les faire attendre, tout en s’excusant, dans les termes les plus humbles, de ne pouvoir être près de la reine mère et en alléguant des prétextes de santé : « Le déplaisir que j’en ai est indicible ; mais ce qui me console est la connaissance que j’ai de ne lui être pas seulement nécessaire (à la reine), mais qui plus est utile, le secours que Votre Majesté tire en ses affaires de sa propre tête étant plus que suffisant et le meilleur qu’il puisse y avoir pour les faire réussir… »


IV. — LE MINISTERE CONCINI-BARBIN. — L’EVEQUE DE LUCON DEVIENT SECRÉTAIRE d’ÉTAT.

Jamais, au contraire, la reine n’avait eu davantage besoin d’être dirigée.

Par la loi fatale de son intimité avec les d’Ancre, elle était amenée à leur abandonner le pouvoir. Mais, en revanche, elle sentait que partout la résistance s’organisait sourdement contre ses favoris. Ce n’était plus seulement le parti aristocratique, vieil adversaire dont l’inépuisable prodigalité des deniers publics finissait toujours par avoir raison : c’était l’opinion publique, très montée et dont l’excitation se traduisait par une véritable grêle de pamphlets ; c’était le peuple, dont les sentimens naturellement hostiles aux étrangers étaient surexcités par les bruits de magie et de sorcellerie qui circulaient sur les Concini et sur leur entourage, et par une sorte de campagne mystérieuse où se confondaient la haine du pouvoir, celle des juifs et celle des Italiens. Un incident assez peu important en soi, mais grave par l’état d’esprit qu’il révèle, avait découvert, au moment même où Concini touchait à l’apogée de sa fortune, cet état d’esprit fébrile et nerveux du peuple de Paris. Le 2 avril, quelques jours après le retour du maréchal d’Ancre, comme il se rendait en carrosse à sa maison du faubourg Saint-Germain, la garde de la porte de Buci l’arrêta, l’ordre étant de ne laisser sortir personne sans passeport. Les gentilshommes de la suite se récrièrent et dirent que c’était le maréchal. Mais la garde tint bon, et le sergent du quartier, un cordonnier nommé Picard, lui dit assez insolemment qu’on ne le connaissait pas et qu’il n’avait qu’à se conformer à la consigne. Concini et ses gens le prirent d’abord de très haut ; mais la foule s’ameuta : elle soutint