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des visites qui seront autant d’enquêtes discrètes ; chacune d’elles se présentera chez tel ou tel en disant qu’elle croit savoir qu’il s’est proposé à la municipalité pour être employé au travail des rues ; en cas de réponse affirmative elle devra offrir d’appuyer la demande et, si les besoins sont urgens, avertir sans retard la société de secours. Je recueille de la bouche du magistrat un excellent conseil : « Apportez dans vos démarches une grande discrétion, ne cherchez pas à vous immiscer dans les affaires des pauvres plus que vous ne feriez dans celles des riches. » — Plusieurs dames s’engagent avec empressement dans cette collaboration avec la municipalité. Mrs Stevenson n’occupe pas son fauteuil ; il arrive assez souvent que les devoirs de sa profession l’empêchent d’assister aux séances du Club : elle est remplacée par une vice-présidente qui me met en (rapport avec plusieurs membres. On me communique le calendrier du club pour cette année. Je relève à la hâte parmi les sujets qui ont été ou qui doivent être traités dans différens départemens, du mois d’octobre 1893 au mois de juin 1894, les titres suivans : Evolution de la femme moderne, — l’Émigration doit-elle être restreinte ? — De la signification du travail, — le Réalisme dans l’art et la littérature, — la Coopération industrielle, — la Science et la vie supérieure, — la Réserve de l’énergie, — la Co-éducation, — les Droits de la mère, etc. Mrs C. H. Sherman, bien connue par ses travaux philosophiques, doit écrire sur Dante et la vision de Dieu.

J’interroge une dame secrétaire sur la fameuse Agence protectrice : elle est établie depuis l’année 1886 ; du rapport d’avril 1893 il résulte que durant ces sept années, on a pris acte de 7 197 plaintes de toute sorte, et que 1 249 687 dollars ont été rassemblés par petites sommes. Mais aucune statistique ne peut éclairer suffisamment le public sur une œuvre de cette nature. Il n’y a pas seulement des fraudes et des injustices redressées, des gages payés, des cas de cruauté ou de violence punis, des tutelles assurées, des divorces obtenus, des créances discutées, des naissances illégitimes régularisées, des sans-travail occupées, des domestiques placées, des étrangères dans la ville dirigées et secourues ; les pauvres créatures sauvées par la force et la grâce de cette œuvre admirable pourraient seules dire quelle dépense de sympathie, de démarches, de conseils, les membres ont faite au profit de la légion de leurs protégées. C’est à se demander si, la femme étant défendue avec ce zèle, l’homme ne se trouve pas quelquefois molesté à son tour : en 1889 l’agence assura le bénéfice des circonstances atténuantes à une accusée qui avait tiré en plein tribunal sur un avocat acharné contre elle. Bien entendu l’acte en lui-même ne fut pas approuvé, mais l’agence démontra que cette