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femmes trouva cette somme et l’école de Glenwood vit le jour.

C’est le club qui veille à ce que le décret de l’instruction obligatoire soit exécuté, à ce que les enfans de six à quatorze ans aillent à l’école seize semaines par an : sans lui, nombre d’entre eux resteraient au logis faute de vêtemens ou de souliers. Enfin il s’est proposé une tâche plus difficile que toutes les autres, il a constitué une ligue de réformes municipales réclamant la propreté dans les rues de Chicago. S’il réussit cette fois, on pourra crier au prodige. Un grand progrès est obtenu déjà ; la diminution sensible de la fumée qui pesait sur la ville et qu’après beaucoup de tentatives vaines on réussit maintenant à brûler en partie. Bref, derrière toutes les réformes nous trouvons l’intrépide club des femmes. Et si elles se mêlent de la police des rues, elles surveillent aussi celle des manières. À une séance du Women’s Club, je ne sais quel membre du bureau ayant annoncé que les dames étaient « requises » pour le thé, une grande femme, à la mine autoritaire, se leva, et du fond de la salle, reprit impitoyablement sa collègue, corrigeant l’expression impropre, disait-elle, et réclamant requested au lieu required, priées au lieu de requises.

Au nom des dames, les voyageurs en omnibus sont engagés à ne pas cracher autour d’eux, et les plus grossiers ne demandent pas mieux que de leur complaire. Deux souvenirs des rues de Chicago : J’étais sur la plate-forme d’un car, hésitante devant le tumulte de la rue encombrée, trop effrayée pour descendre. Auprès de moi, un homme très mal vêtu, à figure de bandit, semble d’abord disposé à rire, puis tout à coup il saute à terre, m’aide à gagner le trottoir et, quand je le remercie, grogne un all right confus en secouant amicalement ma main qu’il tient encore. Un vieil ouvrier allemand (il y a 400 000 Allemands à Chicago) m’aide à retrouver mon chemin un jour que je me suis égarée. Tout en marchant il me fait les honneurs de la ville, et me montre, entre autres choses, un splendide étalage de fleuriste : — « Ce sont des chrysanthèmes, dit-il, vous ne connaissez pas ça en France, mais (d’un ton d’encouragement qui implique : « Vous y viendrez ») mais vous avez la petite marguerite. »

Cette bienveillance un peu dédaigneuse est, je crois, l’expression même des sentimens du jeune Chicago envers la vieille France.

Un livre très bien fait, de Julian Ralph, Our Great West, a enregistré, pour la gloire des femmes, tous les faits relatifs à ce qu’il appelle le Gentle Side : les côtés élevés, doux, délicats de Chicago. On peut opposer cette excellente étude des nouvelles capitales aux États-Unis, de leurs conditions présentes et de leurs possibilités futures, à un autre livre qui souleva récemment la