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dans cette belle et claire cuisine, garnie de tous les engins les plus nouveaux et les plus économiques, fonctionne une école spécialement organisée par les demoiselles de la ville ; celles-ci sont assidues aux soirées de couture où les petites filles, tout en travaillant, écoutent des histoires qui ne laissent pas leur imagination inactive. Plusieurs d’entre elles aussi aident au Kindergarten, lequel chaque matin réunit dans le vaste local qu’on appelle à d’autres heures la salle d’assemblée les enfans des environs.

Personne n’est oublié, ni petits ni grands, ni vieux ni jeunes. Miss Addams tient à ce que les pauvres étrangers qui habitent le quartier, gardent de leur patrie respective tout ce qui est bon ; à cet effet chaque nationalité a un club. L’un des plus fréquentés est le club allemand du vendredi où l’on chante les vieilles chansons populaires, où on lit Schiller, tandis que les aiguilles à tricoter vont leur train.

Nous traversons rapidement des salles de lecture remplies d’ouvriers qui feuillettent des journaux, des revues de tous les pays. À l’étage supérieur ils trouvent un billard, des amusemens variés. — Bien souvent, me dit miss Starr, c’est un besoin de sociabilité qui conduit les plus faibles à fréquenter des antres où l’on boit et où l’on joue de l’argent. Nous ne voulons pas que nos hommes aient ce prétexte. Certes il y en a beaucoup qui ne se contentent pas de ce que nous leur offrons, mais si petit que soit le groupe, c’est autant de sauvé. Tous les soirs d’ailleurs ils peuvent venir à l’un des clubs qui fonctionnent comme ceux que vous venez de voir, aux clubs allemand, de physique, de dessin, d’économie politique. Nous sommes très fiers de notre galerie de peinture où ont eu lieu déjà cinq expositions. Les possesseurs de tableaux nous prêtent généreusement leurs chefs-d’œuvre.

L’idée d’aumône est, on le voit, complètement écartée du système de miss Addams. Elle facilite la vie des pauvres, voilà tout ; elle y fait entrer dans la plus large mesure possible ce qu’ils envient aux riches ou plutôt elle cherche à effacer les distances en établissant des relations de bon voisinage entre riches et pauvres, « hommes, femmes, enfans, dit-elle, réunis en famille, comme Dieu les mêle ». À personne elle ne demande compte de ses croyances. La croyance générale, c’est l’humanitarisme chrétien, l’esprit du Christ manifesté dans des œuvres d’amour.

De tous côtés des secours lui arrivent. Voici l’histoire du grand terrain de récréation où les jeunes gens peuvent se livrer avec délices aux jeux athlétiques qui comptent parmi les institutions américaines pour ainsi dire : Il y avait là autrefois un tenement house sordide, une ruche infecte où de pauvres ouvriers