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bâiller, et où les tableaux de nature morte les plus réussis, les bibelots resplendissans de M. Desgoffe, les comestibles appétissans de M. Fouace, les fleurs printanières de MM. Quost et Grivolas, ne sauraient exciter en nous le moindre enthousiasme ? Il y a des heures où, dans la campagne, on aime à regarder, il y en a d’autres où l’on se plaît à rêver.

Si vous êtes dans ces dispositions dernières, vous regarderez avec plaisir les ouvrages de MM. Hargignies, Pointelin, de Clermont, Demont-Breton, aux Champs-Elysées, de MM. Gazin, et Billotte, au Champ de Mars. Si vous préférez, pour l’instant, l’observation exacte et la sensation passagère consciencieusement notées, vous vous adresserez, ici, à MM. Dernier, Tanzi, Simonnet, Rigolot, Boudot, Guéry, Allègre, Desbrosses, Cagniart, Guillemet, Paul Lecomte, Doyen, Schmitt, Sauvage, Olive, Brett, etc., et là-bas, à MM. Victor Binet, Boudin, Courant, Griveau, Costeau, Chudant, Iwill, Meixmoron, Lebourg, Le Camus. Tous ces paysagistes sont déjà connus et leur manière ne s’est point modifiée dans les œuvres qu’ils présentent et dont quelques-unes sont charmantes. Il en est de même de quelques animaliers, MM. de Vuillefroy, Vayson, Barrillot, Hermann-Léon, Lambert, Lunois, Guignard ; presque tous ont même assoupli leurs façons de faire, notamment M. Guignard dont les études de troupeaux aux différentes heures du jour sont des plus intéressantes ; on peut en dire autant de la plupart des étrangers dont nous avons déjà parlé : MM. Thaulow, Baertsoen, Courtens, Verstraete, Davis, Harrison, Moore, Whistler, Mesdag, Picknell, Denduyts, Calderini ; aucun d’eux ne se montre inférieur à son passé, et il faut, cette année, joindre à leurs noms ceux de MM. Lund, Laidlay et Denovan.


III

Que les sculpteurs modernes ont de peine ! Ils sont nombreux, ils sont habiles, ils sont laborieux, ils seraient prêts, comme leurs ancêtres d’autrefois, à appliquer utilement leur activité à la décoration des édifices publics et privés, ce qui est leur naturelle et meilleure fonction. Et, cependant, l’indifférence des constructeurs et des amateurs est telle encore à leur égard que la plupart demeurent condamnés à fabriquer perpétuellement, pour s’entretenir la main et n’être point oubliés, ce qu’on appelle le morceau du Salon, c’est-à-dire un morceau quelconque de virtuosité, sans destination et sans but. Et c’est là qu’apparaît tristement, lorsqu’elle n’est pas excitée et dirigée par la conception supérieure d’un ensemble décoratif et expressif, l’impuissance de leur imagination,