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plus des deux tiers dataient du XVIe siècle. D’autres, les proprietary schools, avaient été créés depuis par des sociétés d’actionnaires ; le plus grand nombre étaient des écoles privées, qui recueillaient la majorité des enfans des classes moyennes. « L’enseignement, dit M. Leclerc, est libre en Angleterre. Pour ouvrir un cabaret ou une salle de concert, il faut demander une licence ; pour tenir une école, il n’est pas nécessaire de savoir lire ni écrire, il suffit d’en avoir la prétention. Un entrepreneur de transports dégoûté du métier, un brocanteur failli, un épicier en déconfiture peuvent, du jour au lendemain, appliquer sur leur porte l’écriteau : « École supérieure pour fils de gentlemen. » Personne n’y pourra trouver à redire. Les petits boutiquiers sans défiance tombent dans le piège tendu à leur vanité et envoient leurs fils à ces singulières écoles de gentlemen. » Ils ne demanderaient pas mieux que de les envoyer dans une école dotée ; mais le prix de la pension est élevé : à Eton, il n’est jamais inférieur à 5 000 francs ; à Harrow il varie de 3 500 à 5 000 ; ailleurs il peut descendre à 3 000, si on en défalque les frais accessoires. « Le succès, la mode et le snobisme aidant, les public schools furent très recherchées ; il y eut entre les riches, gentlemen authentiques et gros marchands, une véritable surenchère ; c’était à qui obtiendrait de faire élever ses fils dans ces écoles de bon ton. Les offres étant d’ailleurs limitées et les demandes très nombreuses, les prix montèrent. »

De graves abus avaient été signalés dans la gestion des dotations scolaires, et un homme dont la parole avait du poids s’était permis d’avancer que l’aristocratique collège d’Eton non seulement était fort cher, mais dépensait fort mal ses énormes revenus, que les jeunes gens qui venaient y chercher le pain de l’âme n’en avaient pas pour leur argent. Une commission royale, présidée par lord Clarendon, fut chargée défaire une enquête sur la situation des public schools. En 1865, nouvelle enquête plus générale sur toutes les écoles dotées. La commission instituée à cet effet sous la présidence de lord Taunton se composait d’hommes distingués et très laborieux, car son rapport, qui parut au cours des années 1867 et 1868, comprenait 21 volumes. Les conclusions, résumées par un des commissaires, portaient que les collèges étaient insuffisans en nombre, que l’enseignement y était souvent de qualité médiocre, qu’on n’avait établi aucun rapport organique soit entre les différens degrés d’écoles secondaires, soit entre ces écoles et les universités, que la fortune des collèges dotés était mal administrée, qu’ils s’étaient rendus impopulaires par leur exclusivisme religieux, que quelques-uns fermaient leur porte à toute une catégorie de citoyens, que quant aux écoles privées, le corps enseignant s’y recrutait souvent parmi les incapables ou les illettrés.

Telle était en 1867 la fâcheuse situation de l’instruction secondaire.

La postérité nous honnira, s’écriait M. Huxley, si nous n’apportons pas