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élevé des habits neufs. La friperie ne reculait pas, aux heures de crise, devant l’importation étrangère. L’assemblée des notables au commencement du règne de Henri IV (1597) se plaignait que les Anglais « remplissent le royaume de leurs vieux chapeaux, bottes et savates, qu’ils font porter à pleins vaisseaux en Picardie et en Normandie. » Sous Louis XVI, les fripiers s’étaient émancipés jusqu’à « avoir l’insolence de tenir des habits neufs tout faits ; » la protestation coalisée des corporations rivales les fit bientôt rentrer dans l’ordre. En reprenant la tentative des fripiers novateurs de l’ancien régime, Parissot se borna d’abord au costume de travail des divers métiers, puis à la veste de gala du prolétaire. Trente ans après, le propriétaire de l’échoppe modeste, qui occupait primitivement 12 mètres carrés, avait assez développé la vente des vêtemens fabriqués en (gros sur des moyennes de taille, pour que, malgré ses agrandissemens successifs, la place lui manquât toujours (1856). Il s’était peu à peu annexé vingt-cinq maisons formant le pâté au coin duquel il avait débuté.

Le capital de l’entreprise était à cette époque de 3 millions, — nominalement ; — puisque cette somme n’avait jamais été versée, mais qu’elle représentait, comme au Bon Marché et au Louvre, une part des bénéfices employés en perfectionnemens. À sa mort, la famille de P. Parissot le remplaça ; l’un de ses membres, M. Charles Bessand, a conservé jusqu’à ce jour la direction de la Belle Jardinière. Ce fut lui qui opéra le transfert du magasin, exproprié en 1866 pour la construction de l’Hôtel-Dieu, dans l’immeuble qu’il occupe actuellement, sur 3 400 mètres de superficie, auprès du Pont-Neuf. Une installation de tout autre mine et plus confortable que l’ancienne, le rapprochement du centre, contribuèrent à accroître le chiffre de la vente. Les actions de 50 000 francs montèrent à 250 000 francs ; elles furent alors morcelées en 600 dixièmes de parts qui rapportent aujourd’hui 4 000 francs environ. Un bénéfice net de 2 400 000 francs, rapproché des 38 millions qui forment le chiffre d’affaires, représente un gain de 6,30 p. 100, inférieur à celui du Louvre et supérieur à celui du Bon Marché. Certains chapitres de frais généraux, — tels que la publicité ; — ou de profits et pertes, — tels que les marchandises soldées qui grèvent lourdement le budget des maisons de nouveautés, — sont plus légers à la Belle Jardinière qu’ailleurs ; mais les détails d’administration exigés par la mise en œuvre de la marchandise y exigent une comptabilité plus coûteuse.

L’examen attentif des gains de ces divers établissemens montre que le grand commerce d’aujourd’hui se contente de bénéfices beaucoup moindres que le petit marchand d’autrefois. Outre cette différence dans le profit de l’intermédiaire, l’acheteur