sur ses véritables intérêts. En effet, s’il avait marché à nouveau sans aucun secours étranger, grâce aux indemnités reçues des compagnies d’assurances, ou même en empruntant, s’il l’eût fallu, pour payer ses agrandissemens, il se trouverait aujourd’hui avoir remboursé ses prêteurs hypothécaires, et jouirait seul de bénéfices dont il ne perçoit, comme principal actionnaire, qu’un peu plus du quart.
Ce procédé, si usité depuis vingt-cinq ans, de mise en actions d’entreprises anciennes, n’a de raison d’être et n’est vraiment avantageux à celui qui l’emploie, que lorsqu’il veut réaliser tout ou partie des titres qui composent son apport. La combinaison à laquelle M. Jaluzot s’arrêta a donc été plutôt fâcheuse en même temps pour lui et pour ses commanditaires, qui demeurent embarrassés sous le poids de leur capital. Si bien qu’au lieu de chercher de l’argent pour faire des affaires, la société du Printemps a été forcée, depuis son origine, de chercher des affaires pour faire valoir son argent.
Tandis que le Printemps semble, tout en gagnant autant que ses confrères, être moins heureux qu’eux, parce que ses actions, trop nombreuses, sont cotées moins haut, la Samaritaine est arrivée, sans bourse délier, à un total de vente, non seulement égal, mais supérieur. M. Cognacq, son propriétaire, faisait, il y a quarante ans, — il en a aujourd’hui 54, — ses études au petit séminaire de Pons, en Saintonge, grâce à une demi-bourse de 400 francs. Devenu orphelin, et sa famille ne pouvant continuera payer cette faible somme, il dut, à 14 ans, choisir une profession pour gagner sa vie. Il se décida pour la nouveauté où, pensait-il, « on était bien habillé tout en paraissant ne pas faire grand’chose ». Il ne tarda pas à s’apercevoir que, pour qui voulait réussir, la seconde au moins de ces deux opinions était erronée. Après avoir passé chez divers patrons et promené des étoffes pour son compte, comme marchand forain, dans les petites villes des environs de Paris, le jeune Cognacq qui, dans ce métier ingrat, avait réalisé sou à sou quelques épargnes, conçut en 1869 le projet hardi de fixer sa résidence. Il prit en location provisoire, moyennant 15 francs par jour, un magasin de la rue du Pont-Neuf, et réussit assez pour y faire l’année suivante un bail de quelque durée. En 1872 il avait mis de côté une dizaine de mille francs ; il épousa Mlle Jay, « première » du rayon des costumes au Bon Marché, qui lui apportait une dot à peu près double, économisée sur ses appointemens. Les nouveaux époux se berçaient de l’espoir d’atteindre le chiffre de 300 000 francs d’affaires, qui leur procurerait une petite aisance pour la vieillesse.
Comme ils étaient tous deux intelligens et appliqués, ils inspiraient