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mode d’envoi, la destination définitive des marchandises. Parmi les 50 kilos de correspondance quotidiennement apportés au Bon Marché figurent, dans la saison d’été, les commandes des Parisiens en villégiature ; mais un nombre bien plus grand d’achats faits à Paris par des provinciaux ou des étrangers de passage doit s’ajouter au chiffre des envois directs par chemins de fer. Il se fait ainsi, dans les malles des voyageurs, une exportation occulte du goût et des modes de France, qui ramène à nos fabriques des commandes de toute sorte pour l’étranger. C’est, croyons-nous, M. Boucicaut qui, en prenant à sa charge les frais de port des envois supérieurs à 25 francs, leur donna une grande impulsion. Quoique les marchandises lourdes, — meubles ou literie, — soient exceptées de cette faveur et que les colis postaux aient réduit les frais de port, néanmoins, le coût de l’expédition mange le bénéfice sur l’ensemble des factures qui ne dépassent que peu ou point 25 francs. L’expansion des grands bazars à l’étranger avait plus ou moins réussi suivant les pays : en Russie, où les droits sont prohibitifs, elle est toujours demeurée peu importante. En Suisse, en Espagne, en Portugal, en Italie, où les relations s’étaient développées, elles sont tombées à presque rien depuis le nouveau tarif de douanes.

Le dépouillement de la correspondance devant se faire avec rapidité, 250 commis sont chargés d’ouvrir et de distribuer entre les divers services les lettres que l’on étale devant eux. À mesure que ces missives remontent des rayons où elles ont été envoyées pour l’exécution, on formule les réponses ; s’il s’agit d’une demande de conseils, des femmes sont chargées de les donner et de diriger les clientes indécises entre le rouge écrevisse et le rouge tour Eiffel. Ce n’est pas une mince besogne que de confectionner les échantillons nécessaires ; environ 200 millions par an ! Six machines sont chargées d’en couper 32 000 à l’heure, débitant plus ou moins suivant que le tissu est plus ou moins souple : la soierie ou le calicot sont plus durs que le lainage. Les étoffes ayant été rassemblées en paquet sous la machine, il en sort de petites collections disposées par teinte et par prix qu’on donne à des ouvrières. Celles-ci les placent sur des cartes et ensuite sous une douzaine d’autres machines, dirigées chacune par une mécanicienne et une apprêteuse, qui attachent l’échantillon par un fil d’acier. Les collections passent alors dans les mains d’autres ouvrières qui y ajoutent des étiquettes portant le prix et la largeur du tissu. L’ensemble de ce service occupe 110 ouvrières et une quarantaine d’employés.

C’est une loi à laquelle obéit inconsciemment le commerce