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les engrais chimiques sur un autre ; les fumures mixtes sont chaque jour plus appréciées.


V

Les engrais d’origine animale que nous venons de longuement énumérer, et particulièrement le sulfate d’ammoniaque et le nitrate de soude, dont la consommation s’accroît chaque année, sont donc des engrais complémentaires. Leur action fertilisante vient s’ajouter à celle du fumier de ferme, qui dans la majeure partie de notre pays reste l’engrais fondamental. Toutefois, si dans le nord et le centre de la France, les pluies abondantes favorisent l’établissement des prairies, par suite l’entretien du bétail, et naturellement la production du fumier, il n’en est plus ainsi dans le sud-est et notamment en Provence. À l’aide des irrigations, on y obtient cependant d’admirables récoltes de foin et de luzerne, mais on trouve plus avantageux de les vendre que de les employer à l’alimentation des animaux. Si l’industrie laitière s’était établie en Provence comme dans le Milanais, il n’en serait pas ainsi, car si les prairies des environs de Milan régulièrement arrosées fournissent des rendemens tels qu’elles se louent 500 francs l’hectare, celles de Provence, partout où l’eau arrive, ne sont pas moins belles. Je ne crois pas qu’il soit possible de voir ailleurs une démonstration plus saisissante de la transformation qu’amène dans une contrée l’arrivée des eaux d’irrigation. Aux environs de Marseille, on parcourt au printemps des prairies dont l’herbe bien verte, touffue, épaisse, est ombragée par des pommiers en fleurs, et si, à l’horizon, on ne voyait miroiter la mer de ce bleu sombre, violent, inconnu à la Manche, on se croirait en Normandie ; puis, on s’élève de quelques mètres et au-dessus des pentes verdoyantes qu’on vient de quitter, là où l’eau n’arrive plus, on retrouve la colline grise, sèche, couverte des aiguilles que laissent tomber de maigres pins rabougris, languissant sous les ardeurs du soleil.

Quoi qu’il en soit, le fumier de ferme fait défaut en Provence, pour soutenir les belles cultures de fleurs de Saint-Rémy, celles de légumes de Cavaillon, et le blé, et la vigne, et l’olivier ; et l’on aurait été très empêché, si l’on n’avait trouvé un engrais précieux dans les résidus de l’extraction de l’huile des graines oléagineuses, dans les tourteaux.

On sait que les savonneries de Marseille importent de grandes quantités de graines exotiques. Or ces graines renferment, comme celles qui mûrissent sous notre climat — comme notre colza, notre lin, ou notre pavot — outre de l’huile, des matières azotées et des