Il y a toute une histoire en miniature de l’exaltation patriotique pendant la Révolution, dans les faits et les gestes des comédiens ; chez eux, en effet, se rencontrent toutes les variétés, toutes les combinaisons de l’enthousiasme : patriotisme sincère ou obligatoire, instinctif ou réfléchi, intéressé, modeste et surtout pompeux, car c’est un sentiment bruyant, qui ne va pas sans quelque ostentation ; et ceux-là semblent par excellence ses interprètes que leurs fonctions entraînent en dehors d’eux-mêmes vers une pose perpétuelle. Aussi bien, pour faire quelque chose d’extraordinaire l’homme, le plus souvent, n’a-t-il pas besoin qu’on le regarde ? Le patriotisme à cette époque coule d’une source large et profonde, d’une immense espérance qui décuple les forces d’un peuple, mais il n’offre rien de cette gravité qui en d’autres temps lui imprime l’aspect d’une religion, il est un sentiment théâtral qui, en quelque sorte, vient se démontrer à soi-même, comme la liberté qu’on vient de conquérir et de décréter.
- ↑ Voir la Revue du 1er avril 1894.