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déclarer qu’il n’y a plus de profit du tout, que la marge, à force de se réduire, a disparu. Cependant, si le commerce ne donnait plus aucun bénéfice, il s’arrêterait ; or son volume ne cesse de s’accroître. L’industrie textile, a-t-on dit, agonise dans le Lancashire ; cependant le nombre des ouvriers qu’elle employait en 1890, pour le coton et la laine, s’est trouvé de beaucoup plus considérable qu’en 1870. Et tout ce monde d’ouvriers consomme infiniment plus, et paie mieux ses impôts qu’il y a vingt ans. Car si les prix ont baissé, les salaires n’ont point suivi un mouvement parallèle ; tandis qu’ils se maintenaient à l’ancien taux, la baisse des prix accroissait leur pouvoir d’achat. Il faut donc que la compensation se trouve dans un énorme développement des affaires. Et, en effet, on peut consulter tous les baromètres connus en cette matière, on n’y aperçoit que des signes d’un accroissement rapide du capital. Prenons pour exemple l’Angleterre. Le rendement de chaque penny de l’income-tax s’y élève de décade en décade ; de même celui des droits de succession ; les dépôts aux caisses d’épargne anglaises dépassent trois milliards (comme en France), soit plus que le quart de la dette ; les dépôts dans les banques ne cessent de s’accroître. Et l’on viendrait soutenir à sir William Harcourt qu’il y a « quelque chose de pourri dans la Grande-Bretagne » ! Il ne peut s’empêcher d’en rire.

Ne lui parlez pas, par exemple, de la race des protectionnistes. « Il y a, dit-il, des hommes qui voudraient, par quelque procédé artificiel, fermer l’embouchure de la Tamise et provoquer par là et par d’autres moyens semblables un rehaussement des prix. » On trouve aussi beaucoup de personnes, au sud de la Manche, ayant ces mêmes idées. Mais tandis que leurs congénères en Angleterre sont obligés de s’en tenir à des vœux impuissans, en France les partisans du relèvement artificiel des prix occupent le haut du pavé, sont en majorité dans la Chambre, bouleversent la législation, déploient une activité extraordinaire dans leur grande forteresse, la commission des douanes.


II

Les rentiers, dont les titres ont haussé de prix dans une proportion extraordinaire depuis cinq ou six années, seraient mal venus à trouver fâcheux cet autre grand phénomène économique du temps présent, l’abaissement continu du taux de l’intérêt, ceux du moins qui ont acquis leurs titres à une époque relativement éloignée, et n’ont été atteints dans leur revenu par aucune conversion. Les rentiers « convertis » et les capitalistes qui ont