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qui confine en bien des points à la prohibition pure. Les protectionnistes ont tiré un habile parti de ce fait en dénonçant à l’indignation des vrais patriotes les gens qui ne rougiraient pas d’aller ramper devant les Suisses pour les supplier de rétablir entre les deux pays les anciennes relations commerciales. Ces anathèmes n’ont pas empêché les présidens d’un certain nombre d’associations importantes, commerciales et industrielles, de constituer une « Union pour la reprise des rapports commerciaux avec la Suisse ». L’œuvre que se sont proposée ces amis d’une politique économique libérale est très méritoire, mais d’une réalisation difficile et réellement délicate. Le cas particulier de la Suisse fait ressortir, avec plus de netteté peut-être que tout autre, le préjudice considérable que portent à certaines de nos industries et à certaines de nos populations l’application du régime protectionniste et la suppression des traités de commerce ; mais on ne peut résoudre sur un cas particulier l’ensemble du problème économique, et il serait difficile de pratiquer avec franchise et résolution le libre-échange avec la Suisse tandis que l’on resterait armé en guerre contre l’Italie et contre l’Espagne. Il eût été facile de ne pas se brouiller avec les Suisses ; quelques concessions habilement choisies eussent assuré ce résultat. Se réconcilier avec ces cliens perdus et leur faire reprendre le chemin de nos maisons de commerce est moins commode, d’autant que les Suisses sont obstinés, qu’ils ont usé de représailles sans scrupule, et que leur situation commerciale nouvelle semble moins leur peser que ne pèse à nos libre-échangistes la décroissance déplorable de nos échanges avec ces excellons voisins.

La Chambre de commerce italienne à Paris s’est donné pour tâche de suivre de près toutes les phases par lesquelles passe le commerce entre les deux nations que séparent les Alpes, et de signaler au public commerçant les incidens intéressans que peut lui révéler cette observation attentive. Un fait qui paraît résulter avec un certain caractère de généralité du régime nouveau sous lequel se meuvent nos transactions commerciales avec la Suisse, l’Italie et l’Espagne, est que nous vendons de moins en moins de nos objets fabriqués ou de nos marchandises quelconques à ces trois pays, tandis que la décroissance de leurs ventes chez nous suit une marche beaucoup plus lente. Pour la Suisse, l’explication est dans le caractère presque prohibitif des droits par lesquels cet État a répondu à l’application de notre tarif maximum. Pour l’Italie et l’Espagne, la raison du phénomène est l’état du change dans ces deux pays (12 pour 100 en Italie, 22 pour 100 en Espagne), état qui, en vertu d’une loi économique des mieux établies, sert