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je suis une femme, et c’est à moi d’attendre qu’on fasse les avances[1]. »

Toujours désireux de la fléchir, George crut avoir trouvé un moyen tout à fait sûr d’y réussir en faisant vibrer la corde la plus sensible de son cœur maternel. Il proposa de faire décerner par la Diète au jeune archiduc Joseph, qui n’avait pas encore achevé sa huitième année, le titre de roi des Romains, qui lui assurerait la succession à la dignité impériale, et il se posa même si hautement en champion de cette candidature que, non seulement il en fit l’objet d’une proposition formelle aux principales cours d’Europe et d’Allemagne, mais qu’il la mentionna déjà comme en passe d’être réalisée, dans un de ses discours officiellement adressés au Parlement : puis il vint lui-même en personne à Hanovre pour préparer l’exécution de son dessein.

L’effet ne fut pas complètement celui qu’il attendait. D’abord l’empereur fut au fond médiocrement flatté de la proposition. Peu de gens aiment, en santé et dans la force de l’âge, à entendre parler de leur mort et disserter sur leur succession. Puis il savait combien son origine étrangère nuisait à son autorité ; il n’était pas pressé de voir grandir un héritier qui aurait sur lui l’avantage de sa qualité d’Allemand et du sang de Habsbourg coulant dans ses veines. Quant à l’impératrice, elle répondit sèchement « qu’elle était assurément reconnaissante d’un dessein qui ne pouvait que fortifier son influence et celle de ses alliés dans l’Empire, mais que, dans les dispositions du collège électoral, le succès était douteux, à moins qu’il ne fallût le payer par des concessions qui pourraient avilir la dignité impériale et imposer de nouveaux sacrifices à son auguste maison. » Elle pressentait qu’on lui proposerait d’acheter la voix des électeurs récalcitrans par des largesses pécuniaires, ou même des cessions territoriales, et elle voyait reparaître les exigences qui deux fois déjà, à Worms et à Breslau, lui avaient coûté quelques-uns des plus beaux fleurons de sa couronne. D’avance elle disait : « Si je demande, on me demandera, et je n’ai plus rien à donner. »

Elle ne se trompait pas ! George eut beau lui assurer que de petites complaisances sans importance suffiraient pour assurer toutes les voix au futur roi des Romains, quand il fallut énumérer ces légères faveurs, le compte se trouva difficile à régler. Ce fut d’abord la participation à un nouveau traité avec l’électeur de Bavière, lui assurant un subside annuel de quatorze mille livres sterling dont l’Autriche dut consentir à payer le quart. Puis vint l’électeur palatin avec ses réclamations déjà présentées à

  1. Keith au duc de Newcastle, 16 avril 1749 (Record Office).