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mal. Le rabbin Kohler, de la synagogue Beth-El, à New-York, s’est rencontré avec le cardinal Gibbons pour présenter la parabole du bon Samaritain comme la plus belle leçon de tolérance et de charité inter-confessionnelle qui ait été donnée aux hommes. Mais deux rabbins, surtout, ont étonné l’assemblée par la sainte hardiesse avec laquelle ils ont confessé leur adhésion spirituelle à l’Évangile du Nazaréen : M. Hirsch, professeur à l’université de Chicago, dans un discours sur les Élémens de la religion universelle, dont nous parlerons plus loin, et M. Lyon, professeur d’assyriologie à l’University Harvard, N. Cambridge. On voit par là que les universités mixtes, en instituant un commerce intime entre les croyans de religions différentes, leur fournissent l’occasion de se respecter mutuellement et de mieux apprécier leurs doctrines respectives. Le rabbin Lyon avait une lâche difficile : il devait traiter ce sujet de la Contribution du Judaïsme à la civilisation qui a rendu célèbre la magistrale leçon d’E. Renan au Collège de France, en 18G3. Il a su être intéressant, même auprès d’un tel modèle. Il a commencé par rendre hommage à la tolérance de l’Université Harvard qui, malgré sa devise : Christo et Ecclesiæ, ouvre l’accès de ses chaires à tous les savans, sans distinction de culte, et il a salué dans les États-Unis une deuxième terre promise, qui a vraiment réalisé le rêve des prophètes d’Israël. Les Juifs, en effet, y ont trouvé à la fois un home, où ils peuvent se reposer de leurs exodes et des tribulations dont ils sont l’objet « à l’ombre de la vigne et du figuier », et la prospérité, car la terre d’Amérique offre des ressources inépuisables au génie industriel et commercial de leur race ; mais là surtout, on les a accueillis avec des sentimens de tolérance, de bonne volonté, de fraternité.

Entrant alors au cœur de son sujet, le professeur de Harvard a dit que le monde doit à Israël non seulement les Écritures saintes, mais encore des types incomparables de beauté morale et de patriotisme, ces héros et ces prophètes qui s’appellent Moïse, Jérémie, Paul de Tarse, et au premier rang Jésus de Nazareth.

« Jésus, a dit le rabbin Lyon, lui aussi était Juif. Seulement son nom a été tellement identifié avec l’histoire du monde qu’on a fini par oublier son origine. On s’est dit qu’une personnalité aussi souveraine est trop universelle pour être bornée par les frontières d’un peuple. Ainsi, nous négligeons trop de tenir compte de la naissance de Jésus dans une famille juive et de son éducation galiléenne. Loin de moi la tentative d’apprécier l’influence de son caractère sur le progrès de l’humanité ! Pour accomplir cette tâche, il ne faudrait pas moins que la science universelle. Il suffit, pour mon sujet, de rappeler la nationalité de celui qu’une partie considérable du monde s’accorde à regarder comme ayant