dit des fauteurs de grèves ; de ce seul chef il encaisse plus de cinq millions par an. Puis toute législation spéciale paie tribut à l’association ; les prix varient selon l’importance du service rendu, depuis 12 500 francs jusqu’à 75 000 francs pour un amendement à une loi existante que sollicite une corporation à même de bien payer. Il en coûte davantage pour faire passer une loi nouvelle. Un syndicat en requérait une favorable à l’extension d’une industrie naissante ; son conseiller légal, désespérant de l’obtenir, s’aboucha avec Tammany-Hall, qui lui demanda 300 000 francs. Le lendemain la somme était déposée et, dans les trois mois, la loi votée. Car Tammany s’acquitte scrupuleusement de ses engagemens. On cite un cas où les fonds versés furent rendus. C’était en novembre 1893, à la veille des élections municipales. Le parti démocrate fut battu et perdit sa majorité dans la législature ; l’argent fut immédiatement restitué, la promesse faite ne pouvant être tenue. Et ce ne sont pas, comme on pourrait le supposer, des corporations véreuses ou des sociétés suspectes qui sollicitent ainsi le concours du comité directeur, seul autorisé à traiter, mais des compagnies puissantes qui négocient avec lui par l’intermédiaire d’hommes de loi des plus honorablement connus.
« Autrefois, déclare le président d’une des plus importantes compagnies d’assurances de New-York, il nous fallait entretenir à grands frais, à Albany, capitale de l’État, un agent spécial, chargé de représenter et de défendre nos intérêts auprès de la législature, de soudoyer nos adversaires et de subventionner nos partisans ; aujourd’hui, nous traitons à prix débattu avec Tammany-Hall et, moyennant une somme fixe, annuellement payée, nous n’avons plus à nous occuper de rien. »
De ce chef, l’association encaisse de fortes redevances. Le contrôle absolu qu’elle exerce sur tous les services municipaux et notamment sur les travaux de voirie n’est pas moins lucratif, si l’on tient compte de la répercussion que peuvent avoir sur les intérêts privés, dans une ville de l’importance de New-York, l’ouverture d’une rue nouvelle ou l’élargissement d’une voie ancienne, les questions d’expropriation, les créations de quais ou de débarcadères, les tracés de tramways, les adjudications de fournitures. Les souscriptions volontaires et les contributions forcées font aussi affluer l’or dans ses caisses. Tout titulaire d’un emploi municipal ou de l’État paye annuellement une prime proportionnelle à ses appointemens. Chacun des 5 000 membres du comité général verse 125 francs par an à la caisse commune. Les candidats à une fonction élective, agréés par le comité directeur, paient, à titre de frais électoraux, une somme calculée d’après les honoraires attachés à cette fonction et la durée du terme d’exercice.