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sur le trèfle fut nul, et je ne pensais plus guère à cet essai, quand, l’année suivante, le blé qui succéda au trèfle prit sur la partie phosphatée un développement extraordinaire : il était plus haut, plus vert, plus dru que son voisin non phosphaté ; à la moisson, on trouva que la parcelle qui avait reçu le superphosphate donna la valeur de 24 quintaux métriques de grains à l’hectare, la partie non phosphatée, 8. Il y avait là de quoi surprendre, puisque, je le répète, des essais très nombreux avaient montré que sur les terres de Grignon les phosphates n’exerçaient aucune influence. L’analyse rendit compte de cette anomalie : l’acide phosphorique total n’était guère moindre dans le sol de ces parcelles que dans celui des autres où les superphosphates restaient sans action, mais cet acide phosphorique n’était plus assimilable, et nous trouvons là un nouvel effet très intéressant des fumures au fumier de ferme.

Non seulement il apporte son appoint d’acide phosphorique qui n’est pas à dédaigner, mais en outre, par son alcalinité, par son carbonate de potasse qui agit sur les phosphates du sol, le fumier maintient à l’état assimilable l’acide phosphorique ; aussi, voit-on souvent que les superphosphates qui exercent une influence manifeste quand on cultive exclusivement avec des produits chimiques, n’ont plus guère d’effets quand on distribue régulièrement du fumier.

Ces transformations de l’acide phosphorique dans les sols pauvres en calcaire sont heureusement combattues par les chaulages. Un inspecteur général d’agriculture, qui a laissé des travaux intéressans sur les prairies, M. Boitel, employait avec avantage des phosphates dans un domaine du Perche ; mais bientôt l’effet de ces engrais s’affaiblissait, et il fallait répéter les épandages bien plus souvent que ne semblaient l’indiquer les exigences des récoltes ; on reconnut à l’analyse que l’acide phosphorique introduit passait rapidement à l’état non assimilable ; un chaulage le ramena à sa forme utilisable.

En résumé, nos connaissances sur l’emploi agricole des phosphates sont aujourd’hui étendues ; nous savons par l’analyse indiquer sur quelles terres ces engrais doivent être répandus ; nous savons en outre dire quelle nature de phosphate il convient d’employer : aux défrichemens nous appliquons la poudre de nodules, aux terrains pauvres en calcaire les scories de déphosphoration, aux vieilles terres les superphosphates, et il ne faudrait pas croire que l’application de ces engrais n’est qu’accidentelle et ne représente qu’un petit mouvement d’affaires, il est énorme au contraire ; on en jugera par les nombres suivans :

En 1890, la quantité totale de phosphates extraite dans le