vaut Mackenzie… Quant à moi, je suis fatigué de la littérature, et je vais me plonger dans la médecine. »
Il ne renonce pas, pourtant, à juger les littérateurs. Voici son opinion sur Jean-Paul Richter :
« Jean-Paul vient de mourir, et on publie une nouvelle édition de ses œuvres. J’ai peu lu de ce qu’il a écrit, et encore moins je l’ai goûté. Dans ses bons momens il rappelle Lamb, mais en général c’est un farceur de collège. Si la littérature est tombée dans de fâcheuses mains en Angleterre, c’est bien pis en Allemagne. D’ailleurs il est étonnant à quel point vous autres, Anglais, vous avez la prétention de tout savoir de ce qui se passe sur le continent. Vous prétendez détenir le monopole de toutes choses : de l’honneur, des bonnes manières, des vertus domestiques : et de fait vous en détenez au moins un, celui du puritanisme… Sachez encore que pas un Autrichien n’est admis à étudier ici : Gœttingue est si célèbre pour son libéralisme ! Je me suis mis à apprendre l’arabe. Je me mettrai peut-être ensuite à l’anglo-saxon ! »
Deux ans après, il écrivait :
« Shakespeare, Dante, Milton, tous ceux qui ont vu de près le cœur humain, ont reconnu qu’il était plein de désirs à jamais insatiables. Le mécontentement est le lot fatal du poète. Vous n’imaginez pas à quel point je suis maintenant pénétré de l’absurdité et de l’inutilité de la vie humaine. »
En 1832, Beddoes quitte Gœttingue pour aller vivre à Zurich. C’est de là qu’il écrivait : « Je viens d’échapper, à grand’peine, à un danger terrible : j’ai failli devenir professeur d’anatomie comparée à l’Université de Zurich. Par bonheur, je reste libre. Je lis un peu d’italien, je bois du thé, je fume comme un volcan ; et voilà comment je roule mon rocher de Sisyphe. »
La même année, il va à Wurzbourg, où il est nommé docteur. Mais à peine arrivé, un décret du roi de Bavière le chasse, pour je ne sais quelle excentricité. Quelques années après, un autre décret le chasse de Zurich. Et le malheureux erre de pays en pays, se divertissant à composer de petits poèmes allemands, qu’il envoie aux journaux sans nom d’auteur.
Cette misérable existence se poursuit ainsi jusqu’en 1848. Beddoes est toujours seul, sans parens, sans amis. Et toujours l’ennui le torture. Enfin dans l’automne de 1848, à Bâle, il essaie de se tuer. On le sauve, on le conduit à l’hôpital : il en est quitte pour l’amputation d’une jambe.
Ses lettres écrites de l’hôpital de Bâle sont gaies, pleines d’entrain et d’esprit. Il constate, dans l’une d’elles, que le « cher M. Schopenhauer est très fatigant à lire. » Dans une autre il se moque de la poésie