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moins dispersé que la Chambre et que le Sénat. Y a-t-il en ce moment deux ministres à Paris ? Nous n’oserions pas l’assurer. M. le président du Conseil est allé passer quelques jours au milieu des Pyrénées. En partant, il a confié l’intérim du ministère de l’Intérieur à M. Guérin, garde des sceaux. Dans ce temps d’anarchisme, le ministère de l’Intérieur a une importance particulière, et les procès qui se déroulent n’en donnent pas beaucoup moins au ministère de la Justice. Mais M. Guérin est de Carpentras, et dès qu’il a appris que les fêtes d’Orange étaient sur le point de commencer, la place Vendôme a perdu pour lui tout attrait. Il n’a pas pu y tenir, il est parti pour le Midi, accompagné du ministre de l’Instruction publique et du ministre des Travaux publics. Qu’a-t-il fait de l’intérim de l’Intérieur ? On assure qu’il l’a passé à la hâte, avec celui de la Justice, à M. le ministre des Affaires étrangères, que les [négociations congolaises retiennent encore pendant quelques jours à Paris. Quant à lui, il est allé prendre sa part des ovations qu’à Avignon, à Carpentras, à Orange, des populations enthousiastes prodiguent à leurs hôtes. La politique n’a rien à voir ici. Dans les jours de fête, le Midi n’en fait plus. Il trouve seulement que trois ministres à la fois forment un ensemble très décoratif et que ses réjouissances en sont singulièrement relevées. Tout le monde est heureux, tout le monde est content, et comme les félibres sont de la partie, on peut juger du bruit qui se fait et se prolongera longtemps encore, en prose et en vers, pour célébrer un concours aussi rare d’hommes importans et d’inoubliables représentations. Il faut plaindre ceux qui n’ont pas pu assister aux représentations dramatiques de l’amphithéâtre d’Orange ! Mais nos affaires, que deviennent-elles pendant ce temps-là ? Les mauvaises langues assurent qu’elles vont tout aussi bien ; les esprits bienveillans trouvent naturel et légitime que nos ministres prennent, eux aussi, quelques jours de congé ; ils ne leur demandent que de gouverner dès leur retour à Paris, et de préparer le programme de travail de la session d’automne afin qu’elle soit un peu mieux remplie que la précédente. Elle le sera naturellement, il est vrai, par la discussion du budget ; mais le budget est une encyclopédie, et il faut s’attendre à ce que toutes les questions possibles, et quelques autres encore, soient soulevées, agitées, peut-être tranchées au cours de ce grand débat. Une seule chose nous étonnerait, c’est qu’il pût être terminé pour le 31 décembre.

Parmi ces questions, la plus importante en ce moment est la réorganisation de la police et de la sûreté générale. Les derniers événemens ont montré à tous les yeux les vices profonds de l’organisation présente, si même on peut appeler cela une organisation, et M. le président du Conseil a promis d’étudier pendant les vacances et d’apporter à la rentrée un projet de réforme. Il n’y en a pas de plus urgent. Sera-t-il possible de faire en une seule fois tout ce qui est nécessaire pour