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CONDITION
DE LA
FEMME AUX ÉTATS-UNIS

II.[1]
BOSTON

J’ai passé à Boston plus de temps que dans aucune autre ville des États-Unis, et plus j’y ai vécu, plus je m’y suis attachée. Mais je n’ai pas eu pour cela de violence à me faire ; la première impression avait suffi ; et aujourd’hui encore, quand j’essaie de rassembler mes souvenirs, c’est elle qui les domine et qui les éclaire : avant de m’apparaître comme la ville la plus polie de l’Amérique, Boston m’éblouit comme un rêve de beauté. La cause en est peut-être aux circonstances de mon arrivée. Il faisait nuit ; et le lendemain, quand je m’éveillai, ce l’ut pour voir, de ma fenêtre, aux stores relevés, un inoubliable panorama. Sous un ciel sans nuage, tout empourpré de rose, — un de ces ciels américains qui paraissent plus élevés que les nôtres, — se déroulait, toute semée de diamans, cette merveilleuse rivière Charles, large comme un bras de nier. Le passage des bateaux à vapeur ne troublait pas encore sa solitude de si grand matin ; ce n’était pas la saison où elle se couvre de barques de plaisance ; ni sloop, ni goélette à l’horizon : seul un dragueur plaquait sa tache noire sur cette nappe ensoleillée. Le flot, qui subit encore ici

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.