l’impression fut loin d’être la même dans les deux pays. En Angleterre le roi et son cabinet témoignaient une vive contrariété qu’il y avait tout lieu de croire sincère. Les affaires du continent les touchaient plus que celles d’outre-mer, et le parti qui les appuyait au Parlement, composé surtout de propriétaires fonciers, redoutait les frais inévitables de toute expédition militaire et gardait un souvenir pénible des charges qu’ils avaient dû si récemment supporter. Dans les villes de commerce et dans les ports, au contraire, ce fut, à la nouvelle qu’une forteresse anglaise était tombée entre les mains de soldats français, une explosion d’indignation affectée qui semblait provenir moins du ressentiment de l’injure que de la joie d’avoir trouvé un prétexte pour de nouveaux combats. Des scènes très vives eurent lieu à la Chambre des communes où le ministère fut accusé, comme c’était d’ailleurs l’usage constant de l’opposition, de délaisser les intérêts de l’Angleterre pour ne s’occuper que de ceux qui touchaient l’électeur de Hanovre. Par une coïncidence très fâcheuse, le chef parlementaire le plus habile, le sage Pelham, étant venu à mourir, son pouvoir fut dévolu tout entier à son frère, le duc de Newcastle, qui, relégué à la chambre haute, ne pouvait exercer le même ascendant et ne jouissait pas d’ailleurs de la même considération. L’entraînement belliqueux, excité chaque jour par une presse ardente, devint bientôt tel que le roi, en prononçant le discours habituel pour la clôture de la session du Parlement, ne put se dispenser de donner l’assurance qu’il saurait « garantir de toute usurpation les possessions qui faisaient la source de la richesse de l’Angleterre, » et un concert d’applaudissemens vint donner un commentaire significatif à une protestation qu’à dessein peut-être on avait laissée conçue en termes assez vagues.
Il n’y eut point en France le même partage de sentimens. Personne n’y désirait le retour de la guerre, ni la nation qui jouissait encore d’un repos chèrement payé, ni le roi et ses ministres, engagés à cette heure même dans une crise de difficultés intérieures qui dataient de loin, mais qu’une grave complication faisait passer à l’état aigu. C’était, en effet, le moment le plus vif de la fameuse et ridicule querelle des refus de sacrement et des billets de confession, élevée entre le Parlement et l’Eglise pour l’application de la bulle Unigenitus qui avait condamné les jansénistes. Tandis que les évêques ordonnaient aux confesseurs de ne donner l’absolution aux mourans dont la foi était douteuse que moyennant une attestation écrite de leur adhésion à la sentence pontificale, le Parlement répondait aux mandemens épiscopaux en faisant appréhender au corps et jeter en prison les prêtres qui se