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établie sur les grands plateaux boisés, arrosés, et fertiles, qui s’étendent au sud de la ville de Meknas jusqu’aux sources de la Moulouïa.

Ces populations sont voisines des districts les plus reculés de la chaîne principale de l’Atlas, où régnait en souveraine maîtresse l’autorité du chérif derqaoui d’El-Gaouz, et le makhzen redoutait qu’elles n’entrassent dans la confédération des Berbères. Déjà depuis un certain temps, des missionnaires envoyés du Medaghara leur prêchaient la haine du pouvoir de Moulaï-el-Hassan, et, unissant dans une même parole les enseignemens d’abstention complète, puis d’hostilité vis-à-vis des détenteurs du pouvoir temporel, doctrine, ainsi que l’on sait, de la secte des Derqaoua, les émissaires provoquaient l’agitation dans des territoires déjà peu soumis. Bien avant son départ de Meknas, le sultan, fidèle aux traditions de sa politique intérieure, n’avait point manqué de faire intervenir Mohammed-ou-Hamou, le chef des Zaïane, puis le chérif Si-Mohammed-el-Amrami, originaire de cette même région où sa famille possède une grande influence : ce dernier venait d’épouser une propre sœur du sultan, Lella Mekeltoum (la Dame aux grosses joues). Par les intrigues de ces deux agens, grâce aux luttes locales qui étaient survenues et auxquelles prirent part les contingens des Zaïane, la population des Beni-Meguiled était épuisée avant l’arrivée de l’expédition. On y souhaitait même la venue de Moulaï-el-Hassan comme médiateur et pacificateur. La campagne dura exactement trois mois : partie le 27 mai, l’armée chérifienne rentrait à Meknas le 27 août. On avait fait de grands préparatifs et rassemblé un immense appareil guerrier, afin de promener sur de gigantesques brancards portés par quatre chameaux les grosses pièces de canon Krupp. Par ce déploiement inusité, on voulait frapper l’imagination des tribus déjà désagrégées par l’action politique préparatoire. Peu d’expéditions chérifiennes donnèrent un résultat aussi complet. Au retour, on avait en effet non seulement détruit la puissance locale des Derqaoui, mais réussi à placer des caïds ou gouverneurs dans toute cette partie jadis inconnue du territoire marocain. Dans les fêtes qui eurent lieu après la rentrée à Fez, les députations des farouches Beni-Meguiled figuraient dans les cérémonies aux côtés des délégations des tribus les plus soumises de l’empire. Toutefois, au cours des opérations, le 27 juin, une assez grave affaire avait eu lieu : en quittant le camp de Hamanita et avant d’arriver au ksar ou village fortifié de Mellouia, l’arrière-garde de l’armée avait été attaquée alors qu’elle était engagée dans un défilé ; un combat meurtrier s’était engagé ; et il avait fallu toute la puissance de l’armement moderne des troupes chérifiennes pour avoir raison de cette attaque imprévue.