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tout le monde que M. le Comte de Paris, quand bien même il n’aurait pas été à Frohsdorff, ne serait pas monté sur le trône. L’événement, qui a paru avoir sur le moment une si grande importance, en a eu beaucoup moins par la suite. Il n’a eu aucune influence sur nos destinées, qui obéissaient à de tout autres causes. Les vieux et purs orléanistes, nous en avons vu à cette époque, étaient indignés de la démarche de M. le Comte de Paris, qui était à leurs yeux le reniement de 1830. Mais que restait-il de 1830 ? N’avait-il pas, comme la Restauration de 1814-1815, abouti à une révolution ? Dans le sort commun qui leur était fait, n’était-il pas plus digne, de la part des deux branches de la maison de France, de se rapprocher, sinon dans l’oubli, au moins dans l’effacement du passé ? À ce point de vue purement humain et historique, peut-être M. le Comte de Paris a-t-il bien fait d’aller à Frohsdorff ; au point de vue politique, sa démarche a été indifférente ; elle n’a rien changé et ne pouvait rien changer au cours des choses. M. le Comte de Chambord est mort en exil, et de même M. le Comte de Paris. Le second était incomparablement plus moderne que le premier ; il était un homme de son temps ; il le connaissait et l’aimait ; mais l’un et l’autre représentaient un principe qui malheureusement était mort avant eux : de là vient que, malgré leur valeur personnelle, ils ont passé sur la terre comme des ombres, laissant le souvenir de princes dignes de tous les respects, car ils avaient l’âme haute et vraiment royale, dignes de sympathie, car ils se sont abstenus de troubler leur pays, mais frappés d’une impuissance irrémédiable parce qu’ils étaient nés trop tard et ne s’adaptaient plus aux circonstances. On sait comment M. le Comte de Paris a été exilé une dernière fois. Des imprudences, dont il n’était peut-être pas le principal auteur, avaient été commises autour de lui. Le mariage de la reine de Portugal avait servi de prétexte à des réunions qui ne présentaient pas le simple caractère de fêtes de famille. Une effervescence inusitée se produisait dans le parti royaliste. Le gouvernement de la République a sévi, et les princes prétendans ont dû reprendre le chemin de la frontière. Ce dernier coup a frappé au cœur M. le Comte de Paris : il ne devait plus revoir la France. Il est mort entouré de tous les siens, qui lui prodiguaient l’affection qu’il méritait, car il s’est montré le modèle de toutes les vertus privées. Dans une autre situation que la sienne, cet homme honnête, studieux, plein de bon sens et de bonne volonté, aurait été heureux et grandement utile ; mais, bon gré mal gré, il était prétendant, et sa vie, condamnée d’avance à ne pas remplir toutes ses promesses, ne laisse après elle qu’un souvenir de tristesse et de mélancolie.

Si la mort de M. le Comte de Paris est l’événement qui a le plus profondément touché l’opinion depuis ces derniers jours, celui qui l’a le plus remuée est certainement la question de Cempuis. Les journaux