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sur la totalité des provinces pour l’acquittement des dépenses de l’État. »

L’expédition de ce mémoire avait été conservée par le roi qui ne la rendit point à Turgot. Louis XVI avait écrit sur les marges des observations. C’est cet exemplaire avec les notes marginales du roi que Soulavie a eu entre les mains. Turgot proposait en réalité — sous une forme assez insinuante il est vrai et sans pousser son système jusqu’au bout, — d’instituer ce que nous appellerions aujourd’hui un parlement autorisé à discuter et à voter dans une session annuelle un budget préalable, préparé et soumis à la représentation nationale par le ministre des finances.

L’observation consignée en marge par Louis XVI est la suivante :

« Ce serait peut-être le moyen de ne rien avoir. Mes parlemens sont dans l’usage d’accorder tout ce qu’on leur demande à la charge des peuples. Ils sont dans l’usage de tout refuser et de se laisser exiler quand on leur demande quelque impôt à leur préjudice individuel. En réunissant les propriétaires de mon royaume pour leur demander l’assise de l’impôt, c’est le moyen de les opposer à l’impôt demandé. L’abbé Terray a bien prouvé qu’on n’est bien sûr de l’impôt que lorsqu’il est levé par ordre de celui qui ne le paie pas ou qui en paie le moins. »

Dupont de Nemours, qui avait ses raisons pour n’avoir pas oublié le mémoire sur les municipalités, puisqu’il avait tenu la plume en l’écrivant, sinon sous la dictée, du moins sous l’inspiration de Turgot, avait connu sans aucun doute, en 1775, cette réponse de Louis XVI, et comme en réalité c’était lui qui dirigeait quatorze années après, en 1789, les délibérations du Comité des contributions de l’Assemblée constituante, il avait voulu, pour répondre à l’objection, que, dans aucun cas, aucune catégorie de citoyens ne pût imposer aux autres des impôts auxquels elle se serait elle-même soustraite. L’universalité de l’impôt a été, du fait de Dupont de Nemours, le principe financier fondamental de l’Assemblée constituante.

Pour achever d’ailleurs de démontrer le caractère particulier du système financier de l’Assemblée constituante, il suffit de parcourir son adresse aux Français en date du 16 juin 4791 et les fameuses instructions, à la rédaction desquelles il a concouru, sur la contribution foncière et sur la contribution mobilière, la première en date du 23 novembre 1790 et la seconde en date du 13 janvier 1791.

Les impositions prendront désormais le nom de contributions. C’est une participation volontaire à des dépenses qui seront