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suspects. La crainte de ces colorans n’a pas été étrangère, au dire de quelques personnes, à la mode subite et inouïe du vin blanc. La coloration artificielle est nécessaire à certains petits crus que l’on appelle « gris, » — de fait, ils sont roses et suffisamment gaillards, quoique anémiques d’aspect ; — mais le rouge vif, aux yeux du buveur ignorant, est le symbole de la force. On colore aussi les vins coupés d’eau ou destinés au mouillage. La meilleure méthode consisterait à ajouter aux liquides pâles, pour obtenir la nuance convenable, une petite quantité d’un vin très foncé, — « vin noir » ou « vin teinturier », ainsi qu’on le nomme, — que l’on récolte dans l’Orléanais pour cet usage. Mais ce procédé est coûteux. Un autre colorant naturel est tiré des lies de vin desséchées : il est peu pratique. Les substances les plus employées dans le commerce sont la mauve noire, la rose trémière, les baies de sureau, de troène, d’airelle myrtille, la cochenille et ses dérivés, les décoctions de bois de campèche et de bois du Brésil. Tous ces colorans sont absolument inoffensifs. Il n’en est pas de même de la fuchsine, des sels de rosaniline, des rouges et violets d’aniline. Toutefois, si la recherche des matières colorantes exige des opérations assez compliquées, une réaction chimique très simple décèle la présence de la fuchsine, et la crainte du Laboratoire municipal est, pour les intermédiaires trop insoucians, le commencement de la prudence.

Vins poussés, aigres, tournés, vins amers, gras ou filans, les recherches de M. Pasteur ont appris que toutes ces maladies sont dues à des êtres parasites, apportés en plus ou moins grand nombre par la vendange elle-même, et qui, en se développant, altèrent le liquide. Avant de connaître l’existence et les mœurs de ces ennemis dangereux, le vigneron, qui souffrait de leurs mauvais comportemens, s’appliquait à les paralyser. Les différentes pratiques auxquelles il avait recours aboutissaient à une purification plus ou moins parfaite, mais non à une complète stérilisation des mauvais fermens. Le chauffage ou pasteurisation possède au contraire une efficacité absolue. M. Pasteur a constaté que, pour détruire la vitalité des germes et assurer ainsi la conservation indéfinie des vins sans nuire au développement de leurs qualités, il suffit que la masse entière du liquide ait été portée pendant un temps très court, ne fût-ce qu’une minute, à la température de 35° centigrades. On a construit de nombreux appareils à marche intermittente ou continue, dans lesquels les vins sont chauffés à l’abri de l’oxygène, dont l’action pourrait leur donner un goût de cuit ou altérer leur couleur. Les plus perfectionnées de ces machines sont disposées de telle sorte que le vin