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Dans quelques vignobles, ces quatre catégories de vins demeurent séparées, et l’acheteur en tire le parti que bon lui semble. Dans d’autres, — Yquem est du nombre, — on forme un ensemble unique des vins de crème, tête, centre et queue. « Qui a goûté au cellier, disait un gourmet, une gorgée de l’exquise crème réservée pour les jouissances ou les magnificences du propriétaire, s’en souviendra toute sa vie ! » Feu, étoffe, bouquet, tout s’y trouve, trop concentré peut-être et avec trop de sucre, quelque chose d’inconnu, l’extravagance du parfait ! Seulement ces qualités ne sont obtenues qu’au détriment de la quantité. On conçoit que le raisin, ainsi confit au soleil, se flétrit, puis se résorbe, pour ne garder que le maximum de sucre qu’il peut rendre. Quelques chimistes affirment que, pour accroître ou maintenir ce goût sucré, on ajoute parfois aux grands vins blancs du Bordelais de la mannite, sorte de gomme infermentescible issue de la manne. Ce ne serait là, à supposer le fait exact, qu’un élément tout à fait accessoire de la fabrication de ces vins. On en peut dire autant de la légère addition de sucre que reçoivent les crus les plus renommés de Bourgogne, et qui est destinée à corriger, à fondre en quelque sorte l’aspérité qu’ils tiennent de la nature.

Au lieu d’être groupés dans un seul département, comme les vignobles du Bordelais, ceux de la Bourgogne s’étendent sur une longueur de près de 200 kilomètres, occupant les points les plus favorablement situés du versant oriental des Cévennes. Ils forment trois groupes : au nord, la Basse-Bourgogne ou le département de l’Yonne ; au centre la Haute-Bourgogne, Côte-d’Or et arrondissement de Chalon ; au sud, le reste de Saône-et-Loire et une moitié du Rhône, autrement dit le Maçonnais et le Beaujolais. Au point de vue de la superficie plantée, le vignoble de ces quatre départemens réunis ne dépassait guère, il y a vingt ans celui de la seule Gironde : environ 150 000 hectares. Sous le rapport du rendement moyen (3 millions d’hectolitres) ils lui étaient inférieurs ; et la différence était plus grande encore, entre les deux régions, pour la proportion des vins fins que pour celle des vins ordinaires.

Sur les 24 millions de francs auxquels les statistiques officielles évaluent la récolte dans la Côte-d’Or, la dixième partie du vignoble en représente à elle seule plus du tiers. Neuf dixièmes en effet sont cultivés en plant commun, le gamay, qui fournit les liquides secondaires, tandis que le dixième privilégié, d’une contenance d’environ 3 000 hectares, est planté en pineau, le long d’un étroit ruban large de 500 mètres en moyenne, qui se profile à mi-côte depuis Dijon jusqu’à Santenay, dominant la ligne