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un complice. Les auteurs de tant de méfaits jouissaient d’une si paisible sécurité de conscience qu’ils n’ont pas suffisamment ménagé un de leurs confidens, le sieur Mascaras. Mascaras savait tout, il avait pris part à tout, et naturellement il entendait être largement payé de ses complaisances : on a eu le tort de ne pas le rétribuer assez et de ne pas prendre garde à sa mauvaise humeur toujours croissante. On lui a fait des promesses, on ne les a pas tenues. Alors Mascaras a tout dit, tout écrit dans les journaux, avec un tel éclat que, bon gré mal gré, la justice a dû se saisir de l’affaire. L’instruction a été confiée à un magistrat qui a rempli son devoir et ne s’est laissé arrêter à aucune considération extérieure à l’affaire elle-même. Il semble que la Chambre des mises en accusation n’ait pas montré tout à fait le même caractère, car les hommes désignés par l’opinion comme les principaux coupables ont été mis hors de cause : l’accusation n’a retenu que les comparses. Mais le procès qui s’ouvrira le mois prochain réserve, dit-on, beaucoup de surprises, et il est probable que la vérité s’en dégagera tout entière. En attendant, que devait faire le gouvernement ? Dissoudre le conseil municipal de Toulouse et frapper de disgrâce le préfet de la Haute-Garonne. Il a peut-être mis plus longtemps qu’il n’aurait fallu à prendre ce parti ; il ne l’a même pris qu’à moitié en ce qui concerne M. Cohn, qui a été seulement envoyé à Saint-Étienne, dans une préfecture moins importante que Toulouse, mais non pas moins difficile et où il ne faut pas déployer moins de vigueur et d’énergie. Quoi qu’il en soit, M. Dupuy a rempli son devoir. Il est fâcheux seulement que, comme à Cempuis, on ait attendu pour agir que les faits aient été portés à la connaissance du public par un grand journal de Paris. Mais c’est bien le moins, puisque nous avons les inconvéniens de la liberté absolue de la presse, que nous en ayons aussi les avantages. On vient de voir coup sur coup, à deux reprises différentes, que certains faits qui se sont perpétués longtemps dans l’ombre ne peuvent pas supporter vingt-quatre heures de publicité.

Cependant, si cette démonstration est faite à Toulouse, elle ne l’est peut-être pas au même degré à Cempuis. Là, des incidens nouveaux sont survenus et ont rouvert la question au moment même où on pouvait la croire fermée. La lutte est engagée entre le gouvernement et le Conseil général de la Seine, qui n’est pas encore réuni, mais qui se réunira bientôt, et où une interpellation est bruyamment annoncée. Déjà la commission de surveillance, — c’est sans doute par ironie qu’on lui donne ce nom, — a énoncé une première protestation. Il paraît que M. le préfet de la Seine n’a pas pris agrément avant de révoquer M. Robin, le directeur de l’orphelinat Prévost : cette formalité ayant été omise, la révocation est nulle et non avenue. Tel est du moins l’avis de la commission. Nous vivons dans un temps où il ne faut pas s’étonner de grand’chose : cependant nous sommes surpris que les deux