l’entourage du roi, et peut-être même eût-ce été l’avis aussi du premier ministre si, n’ayant d’autre soutien que la faveur royale, il n’eût craint de l’exprimer tout haut. « C’est la Prusse, — écrivait un diplomate expérimenté, que le cabinet du duc de Newcastle comptait parmi ses meilleurs amis, — qui tient aujourd’hui la balance de l’Europe : nous pouvons regretter, mais nous ne pouvons empêcher qu’il en soit ainsi ; et s’il était possible de surmonter une haine et une rancune invétérées, et d’arriver par degrés à cimenter une solide alliance et même une amitié intime entre Sa Majesté et ce prince (ce que nous n’avons jamais essayé, ni, je le crains, même désiré) nous élèverions ainsi contre la plus formidable ambition qui menace la liberté de l’Europe (dont la nôtre dépend) un boulevard plus solide que celui qu’aucune alliance pourrait nous fournir, et Sa Majesté serait à l’abri de toute crainte.[1] »
Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, cet attachement extrême de George II à ses possessions germaniques, objet de si vives censures, fut précisément ce qui lui fit enfin ouvrir l’oreille aux sages avis qu’il avait jusque-là repoussés. Malgré tout le prix que la politique anglaise avait toujours attaché à l’indépendance des Pays-Bas, malgré tout le sang anglais versé pour la défendre, le danger certain auquel ce précieux intérêt allait être exposé n’aurait peut-être pas suffi pour l’émouvoir. Mais quel serait le sort du Hanovre si, l’Autriche devenue indifférente, la Prusse restait hostile ? Qui garantirait le cher électorat soit contre une pointe hardiment poussée par une armée française à travers l’Allemagne, soit contre une attaque portée à l’improviste par le puissant voisin qui n’avait qu’à étendre le bras pour frapper un coup mortel ? Entre une crainte et une rancune également indignes d’une âme royale, George hésita longtemps, mais enfin, la prudence faisant taire la haine, il se décida à autoriser ses ministres à faire une ouverture indirecte au roi de Prusse pour obtenir de lui la promesse de son appui ou, tout au moins, de sa neutralité.
L’intermédiaire chargé de sonder le terrain se trouva naturellement désigné : ce fut un parent commun des deux souverains, le duc de Brunswick-Wolfenbuttel, appartenant à la maison électorale qui occupait le trône d’Angleterre et mari d’une sœur du roi de Prusse. On avait fait espérer à ce prince qu’une de ses filles pourrait être recherchée en mariage par le jeune prince de Galles, petit-fils de George II et devenu, depuis la mort de son
- ↑ Mémoires de lord Walpole, t. III, p. 319. Lord Walpole était le frère du ministre et l’oncle de l’écrivain du même nom ; il avait longtemps représenté l’Angleterre en France en qualité d’ambassadeur.