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compagnie de la duchesse sa femme, et de ses deux filles, il ne perdit pas un moment pour se rendre à Hanovre. Là, soit qu’ils eussent compris à demi-mot où leur illustre parent en voulait venir, soit qu’ils ne craignissent pas de forcer un peu la vérité dans un intérêt qui leur était cher, le duc et la duchesse s’acquittèrent si bien de leur mission d’entremetteurs, que loin de décourager les Hanovriens, ils leur inspirèrent une juste confiance dans le succès de leur tentative. Naturellement il ne fut pas question de la médiation offerte, qui, dans l’état d’ardeur belliqueuse du public anglais ne pouvait être sincèrement discutée et fut regardée pour ce qu’elle était, comme un prétexte pour continuer la conversation. Le ministre anglais se borna à répondre qu’évidemment, puisque le roi de Prusse était encore en doute sur la justice de la cause soutenue et la nécessité des mesures de défense prises par Sa Majesté Britannique, c’est qu’il ne connaissait pas suffisamment les faits et que, dès son retour en Angleterre, on lui ferait parvenir des documens de nature à établir, au-dessus de toute contestation, de quel côté, entre les deux puissances coloniales, étaient le droit et le tort.

Cette fois, ce fut au tour de Frédéric de trouver l’attente un peu longue, et l’impatience le gagnant, il ne voulut pas, du moment que la porte était entr’ouverte, laisser le temps de la refermer. « Ayant encore pris en considération cette affaire, écrivit-il au duc de Brunswick, je veux bien m’ouvrir avec Votre Altesse, bien que dans le dernier secret, que réflexion faite, j’ai songé que mon traité d’alliance fait avec la France finira au printemps de l’année qui vient, ce qui me laisse la liberté d’agir conformément à mes intérêts et à ma convenance. Quoique je ne prendrais (sic) aucun autre engagement avant que le terme stipulé dans ce traité soit expiré, je ne désavouerais pas Votre Altesse, si Elle veut, en attendant, donner à entendre au ministère anglais (mais toujours comme d’elle-même) que, pourvu qu’on me fasse des propositions raisonnables de la part du roi d’Angleterre, on pourrait peut-être arriver au but qu’on s’était proposé relativement à la neutralité des États d’Hanovre : qu’il ne fallait pas s’attendre que je m’ouvrirais le premier, mais qu’il fallait indispensablement qu’on commençât à s’expliquer en me faisant des propositions acceptables. Je laisse à la pénétration de Votre Altesse, si Elle trouvera convenable de faire ces insinuations à Hanovre avant ou après le départ instant du roi d’Angleterre. Je la prie seulement d’en vouloir user toujours avec ce ménagement, comme si je n’étais aucunement mêlé, mais que c’était d’Elle-même et sur des avis particuliers qu’Elle avait eus à mon sujet, et qu’Elle avait cru