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quidem scientiæ totum me a puero dedi, » écrira-t-il plus tard dans la dédicace d’une de ses œuvres au pape Grégoire XIII. On sait peu de chose de son enfance. On peut seulement supposer que de temps en temps, les jours de fêtes religieuses surtout, le petit montagnard descendait à Rome pour y assister aux offices. Ainsi font encore aujourd’hui les gens de la campagne, les contadini de Tivoli, ceux de Frascati et d’Albano. Un matin, raconte la légende, un matin que l’enfant, cantando secondo l’uso dei giovanetti, traversait la place de Sainte-Maric-Majeure, le maître de chapelle l’entendit et le fit entrer aussitôt dans sa scuola. Les musiciens gallo-belges régnaient alors à Rome et dans le reste de l’Italie. Toutes les grandes chapelles étaient dirigées par des Flamands. C’est eux, écrit Guichardin, qui ont « restauré la musique et l’ont ramenée à la perfection. Elle leur est tellement propre et naturelle, que chez eux hommes et femmes chantent d’instinct en mesure, con grandissima grazia e melodia. » Un des plus fameux parmi ces artistes venus du Nord était le Français Claude Goudimel. Il tenait école à Rome, et Palestrina semble bien avoir été son élève pendant quatre ans, de 1540 à 1544.

Le 28 octobre 1544, par contrat passé avec le chapitre de la cathédrale de Palestrina, « Giovanni, musicien, fils de Santi Pierluigi », se voyait attribuer le revenu d’un canonicat, à la condition qu’il tiendrait l’orgue les jours de fête ; que tous les jours il prendrait part au chant de la messe, des vêpres et des complies, et qu’il enseignerait la musique aux chanoines et aux enfans. Il n’exerça pas longtemps ces modestes fonctions. Il avait épousé une jeune fille de la ville, Lucrezia de Goris, qui peu après héritait de sa mère quelques arpens de vigne et de prairie. En 1531, le cardinal-évêque de Palestrina, Giovanni del Monte, étant devenu pape sous le nom de Jules III, appela à Rome son jeune concitoyen. Il lui confia la maîtrise de la chapelle Giulia, fondée autrefois par Jules II, et qui n’était autre que la chapelle de Saint-Pierre[1]. Ici commence véritablement la carrière artistique de Palestrina. Trois ans plus tard, en 1554, il dédiait au pape Jules III son premier volume de messes, la première œuvre de musique sacrée qu’un Italien eût encore offerte à un souverain pontife.

Sensible à cet hommage, plus sensible encore à la naissante renommée de Palestrina, le pape résolut de s’attacher plus étroitement le musicien. Lui retirant la maîtrise de Saint-Pierre, qui fut donnée au Florentin Animuccia, un ancien condisciple de Palestrina à l’école de Goudimel, il le nomma chanteur de sa

  1. Il ne faut pas confondre la chapelle de Saint-Pierre (vaticane) avec la chapelle papale, qui est la chapelle privée des souverains pontifes.