Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/922

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans un tour amusant, que l’on appelle la naissance des fleurs, le prestidigitateur fait apparaître les fleurs dans des objets variés, à sa boutonnière, puis dans une boîte, puis dans un verre de cristal, puis dans un chapeau ; c’est au moment même où le bouquet vient d’apparaître dans un de ces objets, et excite l’admiration, que le prestidigitateur, profitant bien vite de ce mouvement de surprise, introduit des fleurs dans un nouveau récipient.

Enfin, dans beaucoup de tours de cartes, où l’on a fait choisir une carte à un spectateur, on a l’habitude de lui adresser la parole et de lui demander un renseignement quelconque pour que les regards se portent un moment sur lui et rendent à l’artiste la liberté de ses mouvemens. M. Arnould nous en donne un curieux exemple : « Dans un petit tour de cartes que je vous ai présenté, nous écrit-il, j’ai besoin de connaître la quatrième carte du jeu ; tout le monde regarde mes mains, je suis assis, il n’y a pas moyen de tourner le corps et de masquer le mouvement de la carte à l’œil (c’est une opération qui consiste à soulever légèrement le dos d’une carte pour la voir) ; pas de prétexte surtout pour toucher aux cartes. Je me tiens prêt et, à brûle-pourpoint, je dis au spectateur assis en face de moi : « Savez-vous compter jusqu’à soixante ? » Le spectateur me regarde, interdit, ne sachant trop comment prendre la question ; les autres le regardent en souriant ; le tout ne dure qu’une seconde qui me suffit amplement pour regarder la carte. »

On peut faire sur ce thème un si grand nombre de variations faciles que nous laissons aux esprits ingénieux le soin d’en trouver de nouvelles. Le prestidigitateur n’a pas, le plus souvent, à faire œuvre d’invention ; les tours qu’il exécute sont, comme les pièces classiques du Théâtre-Français, accompagnés d’une tradition qui indique de la manière la plus minutieuse tout ce qu’il faut faire, à un moment donné, pour déplacer les regards, et les moyens imaginés sont si puissans que presque personne ne peut s’y soustraire.

2o Au lieu de détourner l’attention sur un autre point, on peut amortir son énergie et s’arranger de manière que les spectateurs ne remarquent point l’objet important d’un tour ou l’acte décisif qui permet d’exécuter le prestige. Les moyens d’affaiblir l’attention sont si nombreux qu’on ne peut les énumérer tous. Dans certains cas, pour cacher un mouvement, on le fera brusquement, par surprise, de manière que personne n’ait pu préparer son attention ; ou bien on fera le mouvement avec une telle rapidité que l’œil n’aura pas le temps de le détailler. Sur la rapidité des tours d’adresse, il y a quelques considérations