j’avais appris à le connaître, et que je savais par conséquent sur quel point exact je devais faire porter l’effort de mon attention.
C’est par des considérations du même genre que s’explique ce que j’appellerai « le système de l’écran ». Il existe un nombre indéfini de tours où, pour rendre un objet invisible, on le cache entièrement, absolument, en le plaçant derrière un autre objet qui forme écran. À première vue, il semble incroyable que les spectateurs ne se doutent pas de l’artifice. Ils ne s’en doutent pas parce qu’à chaque moment de la vie usuelle, nous avons l’habitude de perdre de vue l’objet que nous regardons, et que nous suppléons par un raisonnement rapide à ces courtes éclipses de l’objet ; si par exemple nous regardons un enfant qui joue à la balle, il arrive des momens très courts où nous cessons de voir une main de l’enfant ; nous croirions cependant ridicule d’en conclure que cet enfant est devenu brusquement manchot ; une image mentale détaillée qui reste constamment en éveil complète la sensation et empêche d’en remarquer les lacunes. L’artifice de la prestidigitation consiste à ménager des lacunes analogues ; le prestidigitateur s’entoure de certaines conditions matérielles qui cachent de temps en temps, pendant une durée très courte, ses mains ou l’objet qu’il tient, sans qu’on s’aperçoive de l’interruption qui se produit dans le cours de la perception, et c’est pendant ces interruptions que l’acte décisif est exécuté.
Supposons, par exemple, que le prestidigitateur ait besoin dans un de ses tours de substituer une carte à une autre ; c’est ce qu’on appelle « filer la carte ». Pour dissimuler l’opération, voici comment il procède : il ne se place pas derrière une table, mais devant, entre la table et les spectateurs, ce qui lui fournit l’occasion toute naturelle de se tourner à demi quand il posera la carte sur la table ; pendant ce demi-tour, sa main est invisible et il fait le filage.
Il y a beaucoup de mouvemens secrets qui se font au moment où le prestidigitateur, après être descendu dans la salle, remonte en scène par le praticable ; pendant qu’il tourne le dos au public, il opère en toute sécurité des substitutions avec les objets qu’on vient de lui confier. Souvent aussi on ménage un moment dans une expérience où l’on a besoin d’aller chercher au fond du théâtre un objet important, et pendant qu’on va le prendre, on fait des substitutions ; quelquefois même, pour avoir plus de temps, on feint de chercher un objet qui ne tombe pas à l’instant sous les yeux. Il y a un tour où c’est pendant cette recherche simulée qu’on enveloppe une montre dans du papier et qu’on introduit le paquet dans une boîte à double fond. Mieux encore : on peut opé-