diaphanes, mêlés à des arbres et à des légumes, en sorte que, si, chrétien, vous voulez penser que ce sont des saintes venues du ciel, vous le pouvez ; mais si, libre penseur, vous voulez vous imaginer que c’est une illusion des yeux, un éblouissement causé par le jeûne et le soleil dans ce brillant « val des couleurs », vous le pouvez aussi. Avec Hunt, il n’est pas de choix possible entre un ange et une fumée. Les angelets nettement dessinés, laborieusement modelés, ont une réalité objective qui vous accule à la foi ou à la négation. C’est l’application rigoureuse du lier précepte de Ruskin, que « la première qualité du pré-raphaélisme consiste à essayer de concevoir les choses comme elles sont, de les penser et de les sentir jusqu’au bout, de croire joyeusement si nous le pouvons, de douter bravement si nous le devons, mais de ne jamais mystifier, ou reculer, ou nous excuser devant tel ou tel fait, car les personnages peuvent être spirituels, mais ils sont individuels : saint Georges lui-même, non l’idée vague de courage ; sainte Cécile elle-même, non le simple pouvoir de la musique. Et quoique spirituelle, il n’y a pas un essai quelconque, tenté par cette école, d’indiquer la nature immortelle par quelque évanescence ou obscurité de l’aspect. Tous les fantômes transparens, les spectres indéfinis, sont les œuvres d’une imagination défaillante. Botticelli, il est vrai, a fait la brise favonienne transparente, mais non pas jamais l’ange Gabriel ! » Cette recherche constante du défini, cette haine de la peinture lâchée qui, selon le mot de Delacroix, est « la peinture d’un lâche », conduit Hunt à charger de détails inutiles ses premiers plans, ses vêtemens, ses accessoires et même son modelé. Les Innocens sont plutôt ciselés que peints. Dans son Christ de l’Ombre de la Mort, la myologie est exagérée : les muscles découpés comme sur un écorché, les veines gonflées comme sur un congestionné. En même temps, la recherche d’une pose fortement particularisée lui a fait contourner le corps et les jambes de son personnage. — On pourrait répondre que, dans cette attitude anormale et rapide, certains effets peu ordinaires frappent les yeux ; que, par exemple, le bras en s’élevant et en laissant voir le creux de l’aisselle, semble déchirer son enveloppe de muscles, en sorte qu’on voit saillir les deux bords du tissu : en avant le bord axillaire du grand pectoral et en arrière le bord du grand dorsal, que le bras unit pour la vue, lorsqu’il est au repos. On pourrait dire aussi que, dans le mouvement instinctif qu’un ouvrier fait quand il a les muscles fatigués parce qu’il a été longtemps plié sur lui-même, il exécute exactement le contraire du mouvement qui l’a fatigué : il renverse le buste et il se contourne sur les jambes, en prenant des poses anormales pour combattre,
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