Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle de substances qui ne produisent que de bons effets et dont l’abus même est à peu près inoffensif.

Le café, qui figure en tête de ce groupe, est la graine du caféier (coffea arabica, L.) ; il appartient à la famille des rubiacées. C’est un arbuste haut de quatre à cinq mètres, de forme pyramidale et de port élégant. Son feuillage est toujours vert. Ses feuilles sont blanches ; elles ont une odeur suave et sont agglomérées à l’aisselle. L’époque de la floraison varie suivant la région. Dans certaines contrées, le caféier porte des fleurs toute l’année ; dans d’autres pays, il fleurit au printemps et en automne ; il en est d’autres où on ne lui voit de fleurs qu’au printemps seulement. Son fruit est une petite baie ovoïde, verte au début qui passe bientôt au rouge écarlate et devient presque noire à maturité. Elle renferme deux graines convexes d’un côté, plates de l’autre et accolées par leur surface aplatie.

La Haute-Égypte et le sud de l’Abyssinie passent pour les pays d’origine du café, parce qu’on l’y trouve encore à l’état sauvage. Il a très probablement passé de là en Arabie, où l’on en fait usage depuis un temps immémorial. Les musulmans assurent qu’il fut révélé à Mahomet par l’ange Gabriel. Une autre tradition fait remonter son importation en Arabie au XVe siècle et l’attribue au muphti Djemmen Eddin, qui l’aurait rapporté de Perse à Aden, sa patrie, où il mourut en 1459.

L’introduction du café en Turquie date de la conquête de l’Égypte par Selim, laquelle eut lieu, comme on le sait, en 1517. Il fut connu en Europe, quelque temps après ; mais on n’en fit usage qu’au XVIIe siècle. On commença à en prendre en Italie, en 1645 ; les premiers cafés furent ouverts à Londres en 1652 et à Paris, en 1659. Ce fut Soliman Aga, l’ambassadeur de Turquie, qui l’y mit à la mode. C’était alors une rareté ; la livre coûtait quarante écus, et les grands seigneurs seuls pouvaient se permettre cette fantaisie. Le café eut à cette époque des partisans comme des détracteurs ; et je ne rééditerai pas toutes les anecdotes, tous les bons mots historiques auxquels il donna lieu.

Les Génois et les Vénitiens ont monopolisé le commerce du café jusqu’à la fin du XVIIe siècle. C’est alors seulement que les Hollandais eurent l’idée de le cultiver dans leurs colonies. Ils en transportèrent quelques pieds de l’Yémen à Java, où ils prospérèrent à merveille. Lorsque la culture s’y fui développée, ils en rapportèrent des plants à Amsterdam, et en 1710 l’un d’eux fut envoyé à M. Hesson, lieutenant général d’artillerie, qui en fil don au Jardin des Plantes de Paris. Vers la même époque, il en fut offert un autre pied à Louis XIV. Tous deux se multiplièrent dans les