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LA FRANCE ET L’EUROPE
APRES 1815[1]


I. — QUELS FURENT LES VAINCUS EN 1815

En 1815, il y eut en réalité deux vaincus : la France et les peuples qu’elle avait affranchis des servitudes féodales ou théocratiques. La France fut mutilée : on lui enleva ses frontières naturelles du côté des Alpes et du Rhin ; on l’enferma dans une prison géographique gardée de tous les côtés par des sbires dont on était sûr, le roi de Piémont, la Prusse, la Confédération germanique ; on créa expressément contre elle un État nouveau, tête de pont de la coalition, dans lequel deux millions de Hollandais furent placés sur la tête de quatre millions de Belges, et que le besoin de protection devait rendre l’allié naturel de l’Angleterre et de la Prusse[2] ; une ligne redoutable de forteresses protégea le nouveau royaume sous la surveillance des coalisés, Tournai, Mons, Charleroi, Namur, Liège, Luxembourg, Philippeville, Mariembourg, Bouillon ; on détruisit les fortifications de Huningue ; les Napoléons, dont on redoutait l’ardeur martiale, furent déclarés exclus à perpétuité du pouvoir suprême ; une formidable armée resta groupée autour de nous : l’Autriche et la Prusse on formaient l’avant-garde, l’une en Italie, l’autre sur le Rhin ; la

  1. Sous le titre de l’Empire libéral, Études, Récits, Souvenirs, M. Émile Ollivier va faire prochainement paraître, à la librairie Garnier, le premier volume d’un ouvrage qui jettera sur plus d’un point de l’histoire contemporaine une lumière inattendue. Nous devons à l’obligeance de l’auteur d’en pouvoir détacher l’important fragment qui suit.
  2. L’Angleterre avait gagné à cette création de conserver, en échange des Pays-Bas annexés à la Hollande, la colonie du Cap et quelques autres territoires sur les côtes du Malabar et de la Guyane.