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faibles, mais répétées, on produit toujours des monstruosités, mais on ne voit pas qu’une quelconque de ces causes provoque exclusivement la formation d’une monstruosité spéciale. Chacune de ces causes produit des difformités variées, dont chacune ressemble à d’autres difformités provoquées par d’autres causes. En somme on retrouve dans les couvées expérimentalement troublées les faits généraux déjà signalés dans la descendance des dégénérés : la dissemblance dans les mêmes familles et la ressemblance des types dissemblables d’une famille avec ceux d’une autre famille.

Ce n’est pas seulement parce qu’elles aboutissent à la stérilité que l’hérédité morbide et la dégénérescence concourent à la destruction des familles et des races ; c’est encore en produisant dans les familles et dans les races des différences intellectuelles et morales qui conduisent à des dissensions et à des luttes aussi néfastes que les maladies. Lorsque des croisemens multipliés d’individus normaux se sont effectués dans une même localité ou dans un même pays, ils finissent par créer non seulement des ressemblances physiques, un air de famille, un type national, mais aussi des ressemblances psychiques qui entraînent une communauté de goûts, d’intérêts et par conséquent d’idées morales susceptibles de se fixer pendant une longue suite de générations et de constituer un caractère de famille ou de nation. La dissolution de l’hérédité qui peut se réaliser, soit par l’introduction d’étrangers de races trop différentes, soit sous l’influence de causes autochtones de dégénérescence, se traduit non seulement par des dissemblances physiques, mais aussi par des dissemblances psychiques et morales qui accompagnent nécessairement les premières. Les discordes sociales qui naissent dans un peuple, comme celles qui divisent si souvent les familles de dégénérés, constituent en somme une manifestation de la dissolution de l’hérédité : elles ont leur source dans un fait biologique.

Les faits qui autorisent à considérer l’hérédité morbide ou la dégénérescence en général comme la conséquence de troubles de la nutrition pendant la période développementale de l’évolution permettent de comprendre les exceptions aux lois de l’hérédité, et par conséquent d’entrevoir la possibilité de réaliser les moyens de favoriser ces exceptions et de lutter contre la dégénérescence.

On ne pouvait guère manquer de proposer d’interdire par une loi le mariage à certaines catégories de dégénérés. C’était imiter par une stérilité artificielle leur procédé naturel d’extinction. La méthode serait impraticable en raison de l’impossibilité de fixer une limite, et elle serait sûrement inefficace en raison du tempérament des individus visés qui ne leur impose guère la soumis-