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REVUE DRAMATIQUE

RENAISSANCE. — Gismonda, drame en quatre actes et cinq tableaux, de M. Victorien Sardou.

Gismonda est un très agréable spectacle qui a bien réussi le premier soir et qui, vraisemblablement, plaira à beaucoup de gens. Je n’ai garde de mesurer la valeur des pièces de théâtre à leur succès ; je sais trop qu’elles réussissent souvent par leurs défauts et par ce qu’il y a en elles de moins estimable. Est-ce une raison pour oublier que tout de même les pièces sont faites en vue d’être jouées, et que, en fin de compte, l’art du théâtre a pour objet d’attirer le public et non de le mettre en fuite ? Songez qu’en même temps que Gismonda se fait applaudir à la Renaissance, Madame Sans-Gêne continue au Vaudeville sa longue et triomphante carrière. Le Gymnase a repris Nos bons Villageois. D’autres théâtres encore mettront cet hiver sur leur affiche le nom de M. Sardou. C’est un retour de faveur incontestable. Or M. Sardou est le représentant attitré d’une conception dramatique dont on nous assure qu’elle est démodée et qui, pour dire le vrai, a fait son temps. C’est contre lui, contre ses théories et ses exemples que tous les chercheurs d’une formule nouvelle ont dirigé leurs efforts. Aucun autre dramatiste en notre temps n’a été plus attaqué, chargé de plus de mépris et n’a rencontré dans la presse une plus vive et plus constante hostilité. On ne peut dire d’ailleurs qu’il se soit renouvelé et qu’en vertu de sa merveilleuse et fameuse aptitude à suivre la mode il ait essayé de se plier aux esthétiques récentes. Bien au contraire, il est resté fermement attaché à son système dramatique. Les procédés qu’il emploie n’ont pas varié. Peut-être même en ses derniers ouvrages s’est-il de moins ou moins appliqué à dissimuler ce que ces procédés ont d’artificiel. Ils séduisent encore. Cela est un signe. C’est une indication dont ceux-là mêmes — et nous en sommes — qui désirent voir au