avait fait il y a un an. Les électeurs sauront désormais qu’en votant pour un candidat qui n’a pas rempli ses obligations militaires, ils s’exposent à être représentés non pas à la Chambre mais à la caserne. Si cela leur convient, c’est leur affaire. Quant au gouvernement, sa fonction principale est d’appliquer la loi, et il n’y aurait pas de pires violations de la loi que celles qui viendraient du ministre de la guerre. La Chambre l’a compris un peu tard ; mais mieux vaut tard que jamais.
On n’a pas jugé indispensable, au moins jusqu’à ce jour, de rédiger une loi aussi formelle pour dire que les fonctionnaires devaient respecter le gouvernement qui les emploie. Cette vérité a semblé tenir du caractère de l’évidence, bien qu’un assez grand nombre d’incidens aient pu l’obscurcir dans les esprits. M. le président du Conseil disait l’autre jour qu’il avait fait beaucoup pour restaurer en France le principe d’autorité : il faut croire que ce principe était bien bas, si on en juge par ce qui reste encore à faire pour le relever tout à fait. A dire vrai, on ne voit pas très distinctement le progrès dont a parlé M. Charles Dupuy ; mais il serait injuste de ne pas reconnaître ses efforts, parfois très méritoires, pour combattre le mal où nous nous débattons. Un fait entre beaucoup d’autres avait particulièrement frappé les esprits. Après le dépôt par le ministère et le vote par les Chambres du projet de loi contre les menées anarchistes, le conseil général des Bouches-du-Rhône a voté un blâme direct contre cette loi qualifiée par lui de réactionnaire, et contre le gouvernement qui en avait pris l’initiative et la responsabilité. Parmi les conseillers généraux qui ont voté ce blâme se trouvaient trois fonctionnaires : un juge d’instruction et deux professeurs. Le gouvernement a enlevé l’instruction au juge et déplacé les deux professeurs. Les radicaux ont vu là un beau sujet d’interpellation. Comme dans le cas de M. Mirman, ils ont invoqué le caractère intangible et sacré du mandat électif. Ce mandat opère à la manière d’un talisman au profit de tous ceux qui en sont investis ; il confère des droits qui dispensent de tous les devoirs, même de ceux qu’on peut avoir envers l’armée nationale, même de ceux qu’on a envers le gouvernement dont on est l’agent. Un juge, par exemple, qui est chargé d’appliquer la loi lorsqu’il est assis, en robe et en bonnet carré, sur son fauteuil de magistrat, est libre de la condamner et d’en flétrir les auteurs lorsqu’il siège en redingote au conseil général. Les transformations de Maître Jacques dans Molière ne sont pas plus complètes. La conscience du mandataire élu ne doit de compte à personne : il fallait voir avec quelle belle indignation les radicaux en défendaient la liberté ! Soit, elle est absolue ; mais, ici encore, on se trouvait en présence d’une opposition entre deux principes différens. S’il est vrai qu’un conseiller général est libre de voter comme il lui plaît, il ne l’est pas moins qu’un fonctionnaire doit obéissance et respect au gouvernement, et le gouvernement n’a pas