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restaurans d’ouvrières communiquent à de grands cabinets de toilette très fréquentés par les filles de magasins si souvent logées à l’étroit.

Dans l’Ouest, il y a pour les employées des fabriques certaines pensions si confortables que beaucoup de personnes d’une tout autre classe y venaient pour des raisons d’économie et qu’il fallut remédier à cet abus par un règlement. C’est à Saint-Paul qu’une demoiselle catholique, miss J. Schley, ouvrit avec un capital de 125 dollars son home de jeunes filles qui se recommande par des traits assez particuliers, étant le séjour même de la gaîté. Tous les soirs les habitantes dansent au piano, plusieurs fois dans l’hiver elles invitent leurs amis à de petits bals ; ces mêmes jeunes gens se joignent à leur club littéraire qui tous les quinze jours a une séance de musique et de récitation ; personne ne peut faire partie de la société sans être reconnu capable de contribuer en quelque façon à l’amusement des autres, par conséquent les sots se trouvent élagués, ce qui existe dans si peu de cercles mondains : on repousse aussi les personnes âgées de plus de trente ans, les veuves et les divorcées. Ces conditions favorables amènent beaucoup de mariages ; ils sont célébrés dans l’institution par un repas de noces offert aux conjoints.

Mais j’ai peur vraiment de donner l’idée d’une vie de Cocagne assurée par les progrès de la sociologie aux ouvrières américaines ; ce serait tout le contraire de la vérité ; elles luttent très péniblement pour l’existence, malgré l’appui qui leur vient des églises et des particuliers. Leur situation cependant s’améliore de jour en jour, par les raisons mêmes qui réduisent tant d’hommes au triste rôle de mécontens et d’ « inoccupés » (unemployed). Lorsque l’intervention croissante et perfectionnée des machines rend superflue la dépense de force humaine, l’ouvrier laisse à l’ouvrière la part de besogne qui n’exige que de l’attention et de l’adresse ; bien entendu elle se contente d’un modique salaire. Les femmes gagnent moins que les hommes dans presque toutes les branches, depuis le professorat jusqu’au travail manuel ; on crie à l’injustice, mais sans possibilité d’y remédier jusqu’à présent. N’est-ce pas quelque chose, après tout, que de s’être ouvert en si grand nombre des débouchés qui n’existaient pas, il y a bien peu d’années encore ? On compte aujourd’hui jusqu’à 343 industries où les Américaines ont accès.

Un compétiteur acharné du sexe faible pour les industries même qui sembleraient de droit être réservées à celui-ci, c’est le Chinois. Il s’entend à merveille au service domestique et s’en est emparé complètement à San Francisco. Il se glisse dans beaucoup de fabriques où travaillent les femmes. À New-York il accapare