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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/725

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échoué. Il n’est pas probable que les puissances européennes se mettent d’accord pour imposer la leur. En tout cas, elles ne le feraient qu’après une ouverture directe de la Chine au Japon, ouverture qui amènerait celui-ci, ou même l’obligerait à déclarer ses prétentions. C’est seulement lorsque ces prétentions seront connues que l’Europe se rendra compte de la situation et verra ce qu’elle a à faire. On a annoncé que M. Detring avait été envoyé en mission auprès du comte Ito, premier ministre du Japon. M. Detring est un Allemand, qui est depuis longtemps l’homme de confiance de Li-Hang-chang et qui a rendu des services entre la Chine et nous il y a quelques années ; mais on ignore l’objet exact de sa mission, et les propositions qu’il est chargé de faire, à supposer qu’on les écoute, seront certainement au-dessous des prétentions du gouvernement japonais.

Le souci des affaires de l’Extrême-Orient paraît être, en. ce moment, le motif principal du rapprochement que les journaux anglais signalent avec affectation entre l’Angleterre et la Russie. Il n’y a pas de fumée sans feu : il faut donc croire que le rapprochement existe, mais personne n’en connaît la portée véritable. Des politesses ont été échangées, à l’occasion de la mort d’Alexandre III et de l’avènement de Nicolas II, entre deux familles unies par tant de liens ; lord Rosebery a prononcé des discours pleins de bienveillance à l’égard de la Russie; il a de plus annoncé qu’un arrangement était conclu, ou était sur le point de se conclure, pour régler d’un commun accord les questions pendantes dans l’Asie centrale; il a exprimé l’espoir que l’entente ne se bornerait pas là, qu’elle s’étendrait à des régions encore plus lointaines, et qu’elle aurait d’heureuses conséquences, même en Europe, pour la politique des deux pays. Ce sont là de très précieux témoignages de sympathie; mais jusqu’ici nous n’y voyons pas autre chose, et la satisfaction débordante de la presse anglaise étonne comme une exagération évidemment calculée pour produire un effet, sans qu’on sache lequel. Quelques journaux de Londres ont même pris la peine de s’apitoyer sur la déception qu’éprouverait la France en voyant la Russie s’abandonner à d’autres amitiés. En vérité, nous n’en sommes pas là : nous croyons avoir de sérieuses raisons de compter sur la persévérance de la Russie dans une politique où elle s’est engagée après mûre réflexion, et si cette politique a servi à lui attirer des avances de la part de l’Angleterre, ce n’est pas le moment qu’elle choisirait pour y renoncer. De ce côté, notre tranquillité est parfaite. Au surplus, pourquoi verrions-nous avec peine un rapprochement entre l’Angleterre et la Russie, et qui sait si, à quelque moment, il ne pourrait pas nous être commode? Beaucoup de questions vont être traitées dans l’Extrême-Orient, qui peuvent avoir un contre-coup en Occident : nous n’avons pas l’intention de nous en désintéresser. Personne n’imagine sans doute que nous allons être absorbés, confisqués, annihilés par l’expédition