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été rendu public, 46 419 conscrits étaient réunis, prêts à partir, dans les chefs-lieux des départemens. En Alsace, en Lorraine, en Champagne, en Franche-Comté, en Bourgogne, et même dans plusieurs provinces du centre on signalait une extrême bonne volonté. « Les conscrits de 1815, écrit le préfet de Seine-et-Oise, ont rejoint en trois jours avec une facilité étonnante. » Le préfet du Mont-Blanc remarque que son département a fourni plus de combattans qu’à aucune époque de la Révolution. L’Aisne, qui du 1er avril au 12 juin a donné 18 200 volontaires, — rappelés, conscrits, gardes nationaux mobilisés, francs-tireurs et militaires retraités, parmi lesquels des vieillards de 73 ans, — mérite cette parole de Napoléon : « Dans ce département-là, on trouvera autant d’hommes qu’il y aura de fusils pour les armer. »


II

Des armes, des munitions, des vivres, des chevaux, des capotes et des souliers, il en fallait beaucoup et il y en avait peu. Presque tout le matériel était à improviser, sauf celui de l’artillerie, qui comptait 13 947 bouches à feu mais auquel manquaient d’ailleurs des chevaux, des harnachemens, et 600 000 projectiles. Dans les régimens d’infanterie et de cavalerie, les uns et les autres à effectifs très réduits, les armes étaient au complet; mais, pour armer les rappelés, les engagés volontaires, les inscrits maritimes, les gardes nationales mobilisées, les tirailleurs fédérés et les conscrits de 1815, qui selon les prévisions devaient s’élever ensemble vers le milieu de septembre à plus de 500 000 hommes, il n’y avait dans les arsenaux et les magasins des corps que 121 000 fusils en état et 74 000 à réparer.

« Le salut du pays, écrivait l’Empereur, est dans la quantité de fusils dont nous pouvons nous armer. » Les manufactures impériales, où tous les ouvriers armuriers exemptés des diverses conscriptions depuis l’an VIII furent rappelés par décret, reçurent la commande de 235 000 fusils et mousquetons et de 15 000 paires de pistolets. On fit faire les baïonnettes dans les coutelleries de Langres et de Moulins. 10 000 fusils de chasse et 4 000 fusils rognés furent distribués aux paysans alsaciens, lorrains, champenois et bourguignons de la levée en masse. Pour les réparations des fusils hors de service, on recourut à l’industrie privée. Des ateliers formés d’armuriers, de serruriers, d’ébénistes, de dinandiers, furent établis dans les principales villes ; à Paris, il y eut six ateliers employant 2 000 ouvriers. On s’efforça aussi d’acheter des fusils en Angleterre, et il en vint, cachés dans des bateaux à charbon,